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Le grenier de mon Moulins

Histoire de Moulins (Allier) et anecdotes anciennes

1887, un peu plus de vingt-quatre heures de fête nationale à Moulins

Publié le 13 Juillet 2019 par Louisdelallier in Fêtes

Photo Louis Delallier

Photo Louis Delallier

La IIIe République tient à préserver l’héritage de la Révolution en ancrant les nouvelles institutions démocratiques. C’est ainsi qu’arrive la loi du 6 juillet 1880 instituant le 14 juillet comme fête nationale.

Convaincu que l’unité patriotique aidera le pays à se relever après la sévère défaite de la guerre de 1870, le gouvernement fait passer la consigne dans toutes les préfectures : il faut de l’éclat, des illuminations, une retraite aux flambeaux, un défilé militaire, un feu d’artifice.

Le mercredi 13 juillet 1887, à Moulins, on se retrouve place de l’hôtel-de-ville, à 21 heures, pour la nécessaire retraite aux flambeaux, peut-être pour rappeler la nuit de la prise de la Bastille éclairée par les torches et les feux de joie allumés par la population. Au coup de pétard, assourdissant, les gaziers enflamment les rampes et les encadrements de la façade de l’hôtel-de-ville. Le cortège composé des membres de la Lyre moulinoise, de la fanfare du 7e  chasseurs, des pompiers, des soldats porte-lanternes et d’habitants se met en ordre de marche et se dirige vers la place d’Allier. On joue une version moderne de La Marseillaise qu’on dit plus monotone, moins banale où les fausses notes sont nombreuses ce soir-là ! On entend aussi de bruyants « vive Boulanger*» qui détonnent quelque peu dans ce qui devrait être une ferveur nationale unie.

Les cafés de la place sont très éclairés. Une étoile de feu brille au cercle militaire. Au moment de la dispersion de la procession, des participants, âgés de 7 à 12 ans, crient « Vive la politique radicale ». La contestation a de beaux jours devant elle.

Le lendemain, 14 juillet, le général Braun passe les troupes en revue dès 8 heures sur le cours de Bercy et l’allée des Gâteaux. Le 7e chasseurs et les équipages du train, une trentaine d’officiers de la territoriale et la compagnie des sapeurs-pompiers sont aux ordres et sur leur 31. Un officier, sans doute méritant, reçoit la Légion d’honneur juste avant le défilé.

À 13 heures, sur le cours de la préfecture, des médailles sont distribuées solennellement aux élèves des écoles communales qui viennent d’obtenir leur certificat d’études primaires. Les heureux parents des récipiendaires constituent le gros de l’assemblée.

Au même moment, place de la Liberté, d’autres enfants courent dans des sacs pour gagner une pipe en écume, un couvert en ruolz ou une cravate avec épingle. Place aux Foires (actuelle place Jean-Moulin), le jeu du tourniquet permet de reporter un jambon, une pipe ou un canard.

Le mât de cocagne de la place du chemin de fer (place de la République) est doté de trois prix (une timbale, un jambon et un foulard) et le jeu des ciseaux de huit prix.

On s’amuse dans les « bas quartiers », secteur défavorisé auquel la municipalité a octroyé une subvention. Les aubergistes de la rue de l’Eperon organisent des jeux pour les plus jeunes : mât de cocagne, jeu de la poêle (copieusement noircie pour bien salir le visage des enfants qui tentent de prendre avec les dents les pièces d’argent qui y sont collées). Tout ceci se passe dans devant les maisons closes, bien connues à Moulins, d’où les pensionnaires regardent amusées l’agitation enfantine.

Au bout de la rue du Rivage, un trois-mâts en papier tricolore suspendu par les mariniers du quartier attire l’œil avec ses inscriptions politiques « Vivent la France ! La Lorraine ! La République et Boulanger ! »

Rue du Pont-Ginguet, une banderole tricolore donne, elle aussi, le ton : « Vive Boulanger ! ». Elle voisine avec un portrait du général coloré maladroitement, entouré de fleurs et de lampions.

Une attraction inédite est offerte au public au rond-point du cours de Bercy à 17 heures. L’aéronaute François Lhoste** de Paris s’élève dans son ballon Le Météore.

A 20 heures, chacun prend la direction de la levée et s’assoit entre les deux ponts pour profiter confortablement du feu d’artifice. On le dit classique, on ne s’enthousiasme pas, on crie « Vive Boulanger ! » à tort et à travers. On réagit un peu devant une croix de la Légion d’honneur lumineuse. Devant la Liberté éclairant le monde surmonté d’un arc-en-ciel, on s’exclame quand même « vive la République ».

La soirée se termine par des danses improvisées sur les cours et un concert de la Lyre sur l’estrade près de la préfecture où flotte un air alourdit par la fumée des lampions. 

Louis Delallier

 

*Nommé ministre de la guerre en 1886, Georges Boulanger a procédé à des réformes appréciées et a fait naître un mouvement en sa faveur, le Boulangisme, qui secoue la IIIe République. Il est soutenu par une partie de la gauche et de l’extrême-gauche qui espèrent obtenir une révision de la constitution et, ainsi, établir définitivement la République et par la droite monarchiste et bonapartiste qui espère, elle, profiter d’une révision pour renverser la république.

**François Lhoste, né en 1859 à Paris, est le fils d’un industriel fabricant d’objets en fer battu. Il entre en 1879 comme élève volontaire à l’académie d’aérostation à 20 ans. Son objectif est d’améliorer la navigation aérienne grâce, notamment, à des essais de stabilisation et de direction des aérostats.  Il meurt le 13 novembre 1887 avec Joseph Mangot (âgé de 19 ans) après la chute de son ballon, l’Arago, en pleine mer, à l’ouest du cap d’Ailly en Seine-Maritime.

 

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