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Le grenier de mon Moulins

Histoire de Moulins (Allier) et anecdotes anciennes

Rien de nouveau sous le soleil : escroqueries en tout genre (3)

Publié le 21 Juin 2017 par Louisdelallier in Faits divers

Pas besoin d’internet ou même du téléphone pour escroquer les gens. Cette fin d’année 1898, riche en exemples variés et adroitement mis au point, le démontre.

En septembre, un marchand de toiles ambulant, bien fatigué, s’arrête dans des domaines à Chemilly et Yzeure où il sollicite la permission de laisser une pièce de toile qu’il reviendra récupérer dans la soirée. Pour ne pas se tromper d’endroit, il demande à ceux qui ont accepté son dépôt d’écrire, sur une feuille pliée, leur nom, leur adresse et signer. Mais il ne revient pas. Deux ou trois semaines plus tard, le frère du marchand se présente avec une traite payable au 10 octobre pour le tissu acheté, comme en témoigne le papier portant la signature apposée avec beaucoup de légèreté par l’habitant des lieux. L’une des victimes, monsieur Martin, cultivateur à Yzeure, n’entend pas se laisser berner jusqu’au bout et part montrer la traite aux gendarmes. Les deux frères, Eugène 26 ans et Jean 22 ans, originaires de Condat dans le Cantal, sont retrouvés peu après et incarcérés.

Au début du mois d’octobre, les bureaux de tabacs moulinois sont la cible d’acheteurs de timbres qui pratiquent l’escroquerie dite « à l’enveloppe ». Rien de plus simple que de demander pour 15 ou 20 francs de timbres au commerçant. Ils les rangent dans une enveloppe qu’ils placent dans la poche de leur veste bien en évidence. Puis, ils se rendent compte qu’ils n’ont pas assez d’argent pour payer. Ils rendent l’enveloppe en s’excusant et sortent pour trouver la monnaie qui leur manque. Le buraliste patiente avant d’ouvrir l’enveloppe et de constater qu’elle ne contient que des morceaux de papier.

Ce même mois, un prétendu agent du gouvernement, chargé de percevoir un impôt extraordinaire en lien avec l’affaire Dreyfus, tente de le prélever auprès de contribuables aisés. Comme preuve, des documents timbrés et signés lui servent d’ordre de mission.

Un autre, qui habiterait en Gironde, envoie de très nombreuses lettres à des Moulinois dans lesquelles il s’engage à envoyer deux ou trois barriques d’excellent vin du Médoc 1895, vendues à moitié prix, pour éviter de payer des droits d’héritage. Comme il ne lui reste qu’une douzaine de ces précieuses barriques, il convient de commander sans attendre. Les « pigeons » reçoivent une piquette qui vaut 100 fois moins.

A la fin du mois, un photographe est arrêté à la gare de Saint-Germain-des-Fossés, en provenance de Moulins où il a reçu des acomptes pour des photographies dont il n’a jamais fourni les tirages aux acquéreurs qu’il a démarchés.

En novembre, un individu est à la recherche de livres pour un amateur qui souhaite se constituer une bibliothèque d’au moins 20 000 volumes. Les naïfs qui lui expédient des livres ne seront pas ou très peu payés et ne réclameront rien car le jeu n’en vaut pas la chandelle.

Décembre arrive en même temps qu’une annonce dans la presse émanant de Maximilien Foye, copies en tous genres à la machine, machines à écrire 3 rue Frochot à Paris. Il offre des emplois de copistes, rémunérés jusqu’à 4 francs par jour pour un travail chez soi. Bien entendu, la machine à écrire est fournie (à retirer à la gare la plus proche) contre une caution de 10 francs. il précise que la caution est destinée à décourager d’éventuels malfaisants qui ne retireraient pas machine demandée malgré les frais qu’l aurait engagés... La machine vaut

40 francs et elle est garantie 5 ans pour ceux qui voudraient l’acheter. Les mandats de personne toutes disposées à gagner un peu d’argent affluent chez Foye, lequel a tellement à faire pour les encaisser qu’il n’envoie aucune machine. Lorsque la justice se penche sur son cas, il est déjà parti avec environ 50 000 francs.

En décembre, c’est aussi le mois des cadeaux. C’est sans doute pourquoi une compagnie propose une occasion exceptionnelle avec la vente de bons à lots de 100 francs du Crédit foncier remboursables 200 francs, payables 130. Ces bons sont véritablement cotés à 51 francs à la Bourse de Paris.

Pour terminer l’année, la bijouterie Macquaire, rue d’Allier est délestée de 1 500 francs de bijoux et montres sans violence et même dans la plus grande courtoisie. Un jeune homme très convenable, d’’environ 25 ans entre dans la boutique où officie madame Macquaire. Il est en possession d’une carte écrite par monsieur Dupré, adjoint au maire de Moulins qui dit ceci :

« Veuillez, je vous prie, remettre au porteur de la présente, si vous les avez en magasin, deux montres en or pour homme, ne dépassant pas deux cents francs, et plusieurs broches en or pour dames. Je vous reporterai demain les bijoux qui n’auront pas été choisis et vous paierai ceux que j’aurai gardés.

Veuillez agréer l’expression de mes sentiments distingués ».

J. Dupré, adjoint

Madame Macquaire, qui connaît bien monsieur Dupré, prépare le paquet en toute confiance. On devine aisément que monsieur Dupré affirmera plus tard qu’il n’avait rien demandé.

 

Louis Delallier

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