Les deuxièmes élections municipales organisées après la Libération ont lieu les 19 et 26 octobre 1947. Pour rappel : celles de mai 1945 ont vu arriver des électrices dans les bureaux de vote pour la première fois.
À Moulins, Maurice Tinland, RPF (Rassemblement pour la France), 32 ans, avocat, remplace Henri Gromolard maire depuis mai 1945. À Yzeure, c’est Claude Dussour (Entente républicaine indépendante), 58 ans, directeur du Crédit agricole et maire sortant, qui sort vainqueur du deuxième tour. Les deux hommes se connaissent notamment pour le pire. Ils ont en commun de douloureux souvenirs, encore récents. En effet, tous les deux ont été résistants et déportés pendant la guerre. Et ils font partie de la même association « Ceux de la Mal-Coiffée » fondée par Maurice Tinland.
En ce dimanche 26 octobre, le dépouillement vient de se terminer à Yzeure et le résultat est sans appel. La liste menée par Claude Dussour obtient les 23 sièges à pourvoir et la liste d’union républicaine et résistante de défense des intérêts d’Yzeure présentée par le Parti Communiste Français n’en obtient aucun.
Ça n’est pas une surprise dans un contexte politique défavorable au PCF, jusqu’alors premier parti de France. Ses ministres en font les frais en étant révoqués par le gouvernement Ramadier au mois de mai. Le récent parti gaulliste du Rassemblement Pour la France (RPF), quant à lui, se fait une place au soleil en menant une campagne rude contre les communistes. Il atteint 38% des suffrages et gagne de grandes villes comme Bordeaux, Rennes, Strasbourg, Paris. Toutefois, le PCF parvient à garder sa prédominance à gauche avec 30% des voix, principalement grâce à son implantation dans les communes ouvrières.
Yzeure n’échappe donc pas à cette recomposition politique qui explique les réactions exacerbées des participants au dépouillement.
Claude Dussour, réélu avec brio, tient à prévenir sa famille sans délai. Il choisit de se déplacer jusque chez lui pour annoncer la bonne nouvelle. Alors qu’il est en train de mettre sa voiture en marche, une courte panne de courant se produit dans les bâtiments. Son moteur, grippé par le froid, peine à démarrer et fait entendre quelques explosions. Il n’en faut pas plus pour échauffer les esprits. Un membre du RPF s’empare du téléphone pour alerter la police. Pour lui, aucun doute, les communistes dépités ont coupé les fils électriques et tirent dans les volets bien décidés à faire la révolution.
On prévient monsieur le préfet déjà couché. Aussitôt est ordonné le rassemblement de tous les policiers et gendarmes disponibles. Une avant-garde composée du commissaire et de six hommes de confiance est dépêchée au café, le seul encore ouvert, où les nouveaux élus fêtent la victoire. Claude Dussour, de retour et encore tout à sa satisfaction, ne s’attendait pas à un tel remue-ménage bien inutile et surtout ridicule.
Louis Delallier