Vers 17 heures, ce samedi 22 mai 1909, Monsieur Mazelier directeur de la Société des ouvriers menuisiers de Moulins est au travail avec deux collègues à la Préfecture. Ils sont chargés de poser un panneau transparent et lumineux sur lequel apparaîtront les résultats électoraux du lendemain.
La bicyclette, utilisée ce jour-là par monsieur Mazelier, mais appartenant à la Société, est appuyée à l'un des murs du hall d'entrée*, à l’abri des tentations croit-il. C’est sans compter sur l’audace des voleurs. L’un d’entre eux fait main basse sur le vélo Racer neuf acheté deux semaines auparavant.
L’histoire se poursuit le mercredi suivant. Vers 11 heures, un camionneur de la maison Delinière livre à Pierre Flament**, archiviste départemental de l’Allier (les archives se trouvent alors dans les locaux de la préfecture), une bicyclette bien fixée dans un cadre en bois. Or, Pierre Flament n’avait passé aucune commande.
A ce moment précis, arrive un garçon de bureau de la préfecture, monsieur Belin qui reconnaît aussitôt, bien que très poussiéreuse, la bicyclette dérobée quatre jours plus tôt. On fait appeler Monsieur Mazelier qui confirme que c’est bien celle de la Société des menuisiers. Il lui reste à s’acquitter de 12 francs de transport car elle arrive de Nevers en port dû.
Une explication à ce mystère est finalement avancée. Avant le vol, un homme a demandé à la préfecture une réquisition pour aller à Nevers en chemin de fer, possibilité qu’on lui a refusée. Peut-être s’est-il décidé à emprunter la bicyclette prête à l’emploi pour parcourir les 60 km et l’a-t-il renvoyée à l’endroit où il l’avait trouvée. Une sorte de partage des moyens de déplacement, avant l’heure !
Louis Delallier
*A cette époque, l’accès du public aux services préfectoraux se trouvait face au cours Anatole-France (deuxième porte cochère visible sur la carte postale).
**Pierre Flament (1878-1916), originaire de Paris, est archiviste-paléographe depuis février 1900. après obtention de sa thèse « Un ambassadeur de France en Turquie au XVIIe siècle, Philippe de Harlay, comte de Césy (1580-1652) », il commence sa carrière à la Bibliothèque nationale. Nommé archiviste départemental dans l’Allier en septembre 1903, il y effectue un travail de qualité jusqu’à sa mutation aux archives du Pas-de-Calais en 1913. Il est mobilisé en août 1914. Ses qualités de bravoure et d’énergie lui valent une blessure, une citation et la Légion d’honneur. Malheureusement, le capitaine Flament est tué le 29 juillet 1916 par une grenade au bois Fumin, commune des Eparges dans le département de la Meuse.