Juin 1936, un journaliste se penche sur la question des pendules moulinoises qui affichent des heures différentes depuis des années comme le prouvait l’un des tableaux de la revue parodique Par-dessus les Moulins * jouée fin 1933.
Un passant s’y interroge sur les heures qui auraient été relevées en ville au même moment :
6h 40 à la gare / 6h 45 à la poste / 6h 55 place d’Allier / 7h à l’hôpital / 7h 05 à Jacquemart.
Quelque peu exagérés, ces décalages existent bel et bien et agacent la population qui ne les comprend pas. Parfois, des raisons existent.
Les pendules intérieure et extérieure de la gare se suivent à cinq minutes pour encourager les traînards à se dépêcher. Il semblerait donc que l’on n’ait pas tenu compte de la demande des compagnies de chemin de fer en décembre 1934 de ne plus différencier ces deux horaires**.
Jacquemart, tel un personnage capricieux, devance l’heure du bureau de poste et n’est jamais à la même heure que la montre des passants. Il est en avance sur la gare, également pour éviter aux voyageurs trop détendus de rater leur train. Mais ceux-ci connaissant la ruse, elle est rapidement devenue inutile.
Quant à la cloche de l’hôpital qui annonce les repas, elle sonne trop tôt ou trop tard. Il se dit que cela dépend de l’appétit du sonneur !
Même dans les locaux du Progrès de l’Allier, on compte 4 pendules réglées différemment. Il y a, par exemple, dix minutes d’écart entre la salle la rédaction où arrivent les dépêches et la salle d’expédition des journaux. Cela s’explique aisément par les nécessités de chaque métier. Les journalistes ont besoin de l’heure officielle pour communiquer avec Paris par téléphone. Le service des expéditions, craignant les retards pour ses livraisons à la gare, avance sa pendule.
Chacun voit midi à sa porte…
Pour terminer, une réflexion de Mafalda, fillette de bande dessinée, lucide et déterminée, créée en 1964 par l’Argentin Quino, mort le 30 septembre dernier :
« Comment le temps fait-il pour tourner rond dans des horloges carrées ? »
Louis Delallier
* Par-dessus les moulins, revue écrite par Roger Rabot (de Bourges) dit Régor, membre de la Société des auteurs (voir mon article sur les revues moulinoises)
** L’arrivée du chemin de fer a remis en cause les heures locales et a donné lieu à de longs ajustements pour parvenir à une unification du temps. Le retard de cinq minutes a pour origine l’établissement des horaires des trains sur l’heure de Rouen alors que les pendules extérieures des gares marquent l’heure légale de Paris. Les compagnies de chemins de fer ne se sont donc pas alignées sur les heures locales, ni sur l’heure officielle, mais sur le méridien de Rouen à cinq minutes de retard avec Paris pour que les passagers ne ratent pas leur train. Cette originalité a duré jusqu’en 1910 (source Lucien Baillaud, Les chemins de fer et l’heure légale, dans la Revue des Chemins de fer, 2006).