Cet horloger moulinois, né dans l’Ariège en 1877, est un communicant original et astucieux. Le mois de décembre, mois des cadeaux, est favorable au commerce. Il décide de créer l’envie de se rendre dans son magasin.
Le 1er décembre 1933, il annonce à sa clientèle dans Le Courrier de l’Allier et Le Progrès de l’Allier un changement de firme. « Business Men » présente à Moulins depuis 25 ans, devient « Le Carillon », toujours au 38 rue d’Allier. il explique qu’il profite des transformations de son magasin pour acheter à Paris et en province des lots de bijouterie, joaillerie, horlogerie et orfèvrerie pour plus de 800 000 francs.
Deux jours après, dans un nouvel encart, il propose à son aimable clientèle de tenter sa chance d’être remboursée d’une partie de ses achats du 4 au 20 décembre. Son engagement, authentifié par maître Chabot, notaire à Moulins, stipule que toute personne ayant fait des emplettes les deux jours choisis à la fin de la période recevra le paiement de la moitié du prix dépensé. L’information sera diffusée par voie de presse et en vitrine. Il restera aux bénéficiaires de venir au magasin avec leur ticket de caisse avant la fin du mois de décembre. Vincent Subra souhaite faire beaucoup d’heureux en écoulant beaucoup de marchandises tout en enrayant un peu le chômage.
Les encarts se succèdent et ne se ressemblent pas tous. Le 9 décembre, Vincent Subra précise qu’il ne s’agit ni d’une loterie, ni d’un concours. Peut-être prend-il le contrepied de l’un de ses collègues, G. Sales, qui offre des centièmes, des dixièmes et des billets complets de la loterie nationale en fonction du montants des achats de ses clients.
Le 14 décembre, la publicité s’étoffe d’une liste des produits vendus : des bagues par milliers, des pendentifs, 5 000 réveille-matin (Japy, Jaz, Lip, Vedette), de l’orfèvrerie (Christofle, Boulenger, Frénais), des pendules électriques, etc.
Pour faire suite à ce déferlement d’annonces, Vincent Subra fait paraître, le 29 décembre, dans le Courrier de l’Allier, le Progrès de l’Allier et La Croix de l’Allier un encadré au titre racoleur :
Sera-t-il
Cinq fois millionnaire ?
Au fil des lignes, il développe son étonnant projet. Pour commencer, il lui faut trouver un billet de la loterie nationale dans la rue, billet dont le propriétaire aura oublié le numéro et ne pourra pas le réclamer. Il est certain de gagner le gros lot car il porte depuis toujours un pendentif porte-bonheur avec l’inscription « Jamais malade, jamais mouri » ! Il glisse une discrète invitation à sa clientèle d’acheter chez lui des bijoux porte-bonheur à des prix défiant toute concurrence.
Il revient ensuite à son gain potentiel de 5 millions grâce auquel il achètera cinq châteaux en France (pas en Espagne…) puisqu’il faut acheter français. Chacun de ses clients, pour dix sous, aura le droit de visiter un château et pour 10 francs les cinq châteaux. Au-delà de cette somme, l’acheteur sera invité à parcourir les parcs de ses propriétés et à respirer gratuitement le parfum des bégonias magnifiques. Son service d’ordre sera composé d’au moins douze huissiers.
La diminution des impôts et les voyages interplanétaires sont de vaines promesses dit-il contrairement à sa redistribution de bénéfices qui, elle, est bien réelle.
Tous ces plans sur la comète lui permettent d’arriver à la prolongation de son offre de remboursement du 21 au 31 décembre inclus.
L’année 1934 commence comme elle s’est terminée pour Vincent Subra. Il dévoile les 3 jours de décembre qu’il a choisis pour honorer son engagement. Les 203 clients des 5, 18 et 28 décembre peuvent obtenir le remboursement de la moitié de leurs achats quelle que soit la somme.
Et ça n’est pas fini. De nouvelles journées en janvier, février et mars profiteront aux acheteurs. En effet, Vincent Subra, qui rappelle que les temps sont durs et qu’une rigoureuse politique d’économie s’impose à tous, est prêt à des sacrifices tangibles.
Le concours agricole annuel moulinois est, pour lui, l’occasion d’exposer des garnitures de cheminée, des couverts et des articles d’orfèvrerie de marques Christofle, Frenais, Boulenger, Ravinet, Ercuis, Alfénide pour une valeur de 100 000 francs qu’il compte bien écouler avant la fin du mois. Il est également acheteur d’or, d’argent, de vieux bijoux, de pièces d’or et d’argent.
En février, du 1er au 20, s’ajoute un concours publié dans le même trio de journaux bourbonnais sous forme d’un texte à trous et d’une question subsidiaire sur le nombre de réponses reçues :
L. C.R.L..N R.MB.RS. L. M.IT. É D. L.URS A.H.TS A T.US L.S A.H.TE.RS D. L. M.M. J.UR. É. .N JO.R S.. D.X
Onze prix récompenseront les gagnants : une montre LIP, dames ou messieurs d’une valeur de 2 500 francs à choisir dans l’un des étalages pour la réponse juste et dix réveille-matin de marque Japy aux réponses les plus proches.
Des 547 personnes qui ont donné leur solution, 19 reçoivent un lot, soit huit de plus pour tenir compte des ex-aequo.
LE CARILLON REMBOURSE LA MOITIÉ DE LEURS ACHATS A TOUS LES ACHETEURS DE LA MEME JOURNÉE UN JOUR SUR DIX
Jean-Marie Donnat, Contigny, 550 réponses (La Croix de l'Allier)
A. de Vaulx, Montaigu-le-Blin, 550 réponses (Le Courrier de l'Allier)
Gabriel Bussy, Saint-Étienne de Vicq, 550 réponses (La Croix)
Germaine Étienne, Villeneuve-sur-Allier, 550 réponses (Le Progrès)
Louis Langeron, Yzeure, 555 réponses (Le Progrès)
Louise Bert, Saint-Pourçain, 555 réponses (Le Progrès)
Raymonde Escomel, Moulins, 560 réponses (Le Progrès)
Denise Démonet, Créchy, 560 réponses (La Croix)
Marie Déchet, Besson, 563 réponses (La Croix)
Jean Lamoine, Commentry, 566 réponses (La Croix)
Louis Gervy, Vichy, 569 réponses (Le Progrès)
Théodore Parent, Châtel-de-Neuvre, 520 réponses (Le Progrès)
Raymonde Sinturel, Échassières, 575 réponses (Le Progrès)
Albertine Bernard, Saint-Sornin, 575 réponses (Le Courrier)
Madame Deviller, Moulins, 517 réponses (Le Progrès)
M. L. Batailler, Saint-Didier-en-Rollat, 578 réponses (Le Progrès)
Andrée Bertrand, Moulins, 515 réponses (Le Progrès)
Élise Delay, Le Donjon, 510 réponses (Le Progrès)
Louis Charmillon, Yzeure, 510 réponses (Le Progrès).
Louis Delallier