L’hôtel du Chemin de fer, juste en face de la gare à Moulins, a pris le nom de Danguin, son propriétaire avant la Première guerre, et le gardera jusque dans les années 1990. En 1924, il est tenu par les Durafour, neveu et nièce de Félix Danguin, qui l’ont racheté en février 1917.
Le mardi 15 juillet vers 22h 30, des voyageurs installés dans leur chambre, alertés par une odeur de brûlé, déclenchent les sonneries d’alarme. Le veilleur de nuit prévenu découvre bien vite que le feu a pris dans une sorte de bûcher-fenil attenant au garage dont on retire les trois automobiles et le break qui y sont garés pour parer au plus pressé. Tous les habitants de l’hôtel participent à combattre les flammes en s’aidant des trois bouches d’eau de la cour. Monsieur Durafour ne tarde pas à constater que le débit de l’eau est bien trop faible pour être efficace.
Enfin, la pompe de la gare, la pompe-arroseuse automobile, celles du quartier Villars et d’Yzeure arrivent, mais il faut encore du temps avant de pouvoir les alimenter avec l’eau du bassin du jardin de la gare et des bassins de la maison d’horticulture Franchisseur. Minuit sonne déjà quand la lutte contre le sinistre prend toute son efficacité. On se félicite du manque de vent qui n’aurait pas manqué de propager les flammes aux bâtiments voisins. Ce n’est qu’à 1h 30 que tout est sous contrôle. Les dégâts sont considérables. Le garage, ses dépendances ne sont plus que décombres noyés. Lingerie, matelas, ustensiles de cuisine font aussi partie des pertes.
Au matin, l’heure est aux questions. Des voix s’élèvent pour critiquer sévèrement le service de l’eau qui a fait baisser la pression cette nuit-là alors que les réserves en eau sont suffisantes. On ironise : monsieur le maire (Hippolyte Blanc) pourrait bien prendre un arrêté pour défendre aux incendies d’éclater la nuit ! On rappelle les essais, restés sans suite, d’une sirène sur Jacquemart pour une alerte immédiate et audible de loin.
Le lendemain, le service des eaux répond aux critiques par voie de presse. Il affirme que l’eau n’était pas coupée et que la population est toujours prévenue en cas de fermeture de la vanne de distribution. Il rappelle que le réservoir de Belle-Croix a rempli son rôle, que les deux pompes à bras ont pu fonctionner sans interruption avec assez de pression grâce aux deux bouches à incendie de la ville les plus proches et que la pompe automobile a été alimentée par l’une des grosses bouches récemment installées. Il signale en outre que les robinets de la cour de l’hôtel ne sont pas destinés à un tel emploi. Personne n’est convaincu et chacun s’accorde sur une pénurie d’eau dans les canalisations qui ne va qu’en s’aggravant et sur la nécessité de revoir les possibilités de captage de l’eau de l’Allier.
« Un fidèle abonné » du Courrier de l’Allier se joint aux récriminations en relayant la plainte des habitants de la rue de l’Oiseau qui n’ont vu couler l’eau dans les caniveaux qu’une fois en un mois alors les bouches d’arrosage doivent être ouvertes entre 8h 30 et 9 heures les lundis, mercredis et vendredis.
Un autre élément est intervenu dans le ralentissement de la prise en charge de l’incendie de l’hôtel Danguin. M. Moisson, préfet de l’Allier s’en fait l’écho auprès du directeur des Postes. Il s’agit de l’impossibilité d’utiliser le téléphone cette nuit-là pour prévenir les services compétents. C’est ainsi qu’on apprend que le service téléphonique est clôturé chaque jour à 21 heures pour les abonnés moulinois, tout simplement parce qu’aucun employé ne travaille après cette heure-là. La décision est donc prise de mobiliser les receveurs des bureaux de poste pour donner suite aux appels de jour et de nuit en cas de sinistres. Le receveur principal des Postes sera ainsi relié de nuit pour établir des communications avec la préfecture, la gendarmerie, la place militaire, la mairie, le médecin-chef de service de santé militaire, la gare PLM et le bureau de tri postal de la gare (ou ponton).
Le conseil municipal se saisit de la question et compte solliciter l’établissement d’un service téléphonique continu la nuit. Mais au cours de sa séance du 28 octobre, il choisit de ne pas donner suite en raison du coût d’un salaire (10 900 francs ou 7 300 selon que l’employé est ou non auxiliaire) pour de très rares sinistres de cette ampleur. De plus, sept postes téléphoniques ont été récemment reliés à la sonnerie de nuit du receveur municipal des Postes comme annoncé.
Louis Delallier