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Le grenier de mon Moulins

Histoire de Moulins (Allier) et anecdotes anciennes

Legs Robichon : des candidats et des lauréats

Publié le 25 Avril 2021 par Louisdelallier

Photo Louis Delallier

Photo Louis Delallier

Les attributions du legs* par les conseillers départementaux, avec accord préalable du maire de Moulins exigé dans le testament, vont se succéder de 1852 à la Seconde guerre mondiale semble-t-il. Les candidats (peu de femmes parmi eux) ont des profils bien différents et ne se sont pas tous vraiment fait remarquer par leur bravoure ou leur dévouement. Un rappel est formulé en ce sens en 1871 au cours de la session du conseil général.

L’année suivante, les errements des vingt premières années (érudits locaux, artistes, enseignants récompensés) sont rattrapés par la remise du prix à Barthélémy Roumy de Chantelle qui, bien que chargé de famille, s’est engagé dans la guerre comme volontaire et participe vaillamment aux combats.

En 1874, le lauréat est encore un brave, Louis Charpentier. En 1866, il a sauvé, en se jetant dans la Sioule, trois hommes entraînés par la rivière vers l’écluse d’un moulin. Et le 14 août 1870, père de famille lui aussi, ayant de surcroît deux frères au combat, il s’engage dans l’artillerie. Incorporé dans la 19e batterie du 2e régiment, il participe aux batailles d’Orléans, Coulmiers et Chilleurs-aux-Bois où l’obus prussien qui tue l’un de ses frères le blesse. Il perd l’usage de son bras droit, mais gagne la médaille militaire…

Les annuités 1915, 1916, 1917 et 1918 sont versées à des militaires du département (soldats, caporaux et sous-officiers) qui ont obtenu la Légion d’honneur ou, à défaut, aux médaillés militaires ayant le plus grand nombre de citations. Les candidats éligibles ne manquent malheureusement pas. Se présentent Abel Blanchet de Montluçon, E. Chauchard de Saint-Hilaire (½ annuité), Robert Leprêtre de Moulins, Théophile Florian Plewinski de Montluçon, Claude Roux d’Yzeure, François Talabard de Busset, Marc Thévenot de Saint-Bonnet-de-Tronçais et Jules Vazeille de Montluçon. Sont bénéficiaires Théophile Florian Plewinski (médaille militaire et 6 citations), E. Chauchard, Claude Roux (½ annuité) et Marc Thévenot (½ annuité).

Une deuxième tournée de versements est effectuée en 1920 par les conseillers généraux à d’autres soldats de la Grande guerre, classés par moyenne de citations : Édouard-Émile Solet à Yzeure (½ annuité), Étienne Eugène Beaulaton à Gannat (½ annuité), Léon Gauliard à Vichy (½ annuité), Marcel Lacroix à Noyant (½ annuité), Joseph Frobert à Vichy (½ annuité), François Sauvestre à Villebret (½ annuité), Henri Vergne à Châtel-de-Neuvre (¼ annuité), Jean-Louis Lacroix à Montluçon (¼ annuité).

Les inventeurs aussi se pressent pour postuler au titre et à sa « prime » :

Moreau, créateur d’une machine à battre mue par des chevaux,

Jouannin, tisserand à Gannat, pour un métier à tisser,

Laurent, ancien militaire à Moulins, pour deux inventions mécaniques dont l’une destinée à arrêter presque instantanément les trains de chemins de fer grâce à un système de freinage et l’autre pour permettre aux trains en marche de prendre et déposer des dépêches dans les gares sans s’arrêter,

Péreuil d’Yzeure qui a inventé un appareil mécanique « encore bien dans l’enfance » pour remplacer les manivelles à bras dans les batteuses, hache-paille, concasseurs.

Certains ont postulé plusieurs fois. Aucun n’a reçu le prix Robichon.

En 1866, A. Migout, professeur de sciences physiques au lycée de Moulins, est choisi pour sa flore du Bourbonnais devant quatre autres personnes : Armand Queyroy, conservateur du musée départemental pour ses eaux-fortes, Martial-Alphonse Chazaud pour sa chronique des sires de Bourbon, monsieur Brunel, ancien chef de division à la préfecture de l’Allier, conseiller de préfecture du département du Cher, pour son Budget communal et monsieur Laurent, l’inventeur cité plus haut.

En 1892, il pose une nouvelle candidature qui sera accueillie moins favorablement. Sa Flore du département de l’Allier et des cantons voisins, parue en 1890 chez Fudez frères à Moulins, est jugée trop cléricale (elle compte pas moins de 6 abbés collaborateurs). Cet avis est d’autant plus étonnant que Migout n’a pas hésité, au cours de la distribution des prix de fin d’année scolaire, à présenter les prêtres et frères chrétiens comme des ignorants et des imbéciles !

Outre les lauréats Émile Guillaumin, Joseph Voisin, Louis Lamapet, Marcel Contier, Joseph Viple, des écrivains présentent des ouvrages d’une grande diversité : manuel d’agriculture à l’usage des écoles primaires (Chevalier, directeur de l’école supérieure communale de Moulins), Origine de l’Administration de la grande voirie depuis 1790 (Jean-Baptiste Peigue de Gannat), Etudes cliniques sur la sensibilité générale (Lagardelle, médecin directeur de l’asile départemental de Sainte-Catherine à Yzeure), brochure sur la classe ouvrière et une poésie (Pérot maître-menuisier à Moulins), « Oh vivre ! » (Philippe Valette, facteur rural à Trévol), et encore une belle quantité d’écrits jugés dignes d’intérêt par leurs auteurs qu’il serait ennuyeux de détailler ici.

A noter, le parcours étonnant de Jean-Baptiste Boissonnet, vainqueur en 1925 avec sa thèse de doctorat « le Bourbonnais sous la 2e Restauration, l’esprit public ». Ce cultivateur avant la Première guerre, devenu sous-lieutenant, a profité de sa convalescence après une blessure pour étudier le droit.

Parmi les instituteurs, professeurs, peintres, graveurs, avocats, archivistes départementaux, et autres professions « intellectuelles », Joseph Villiet (1823-1877), peintre-verrier originaire de Gannat, recalé, a connu une belle carrière dans le sud-ouest après son installation à Bordeaux. De nombreuses fois médaillé dans des expositions, il a conçu les 70 vitraux de la cathédrale de Bazas et ceux de l’église Saint-Ferdinand de Bordeaux entre autres.  

En 1905, la commission d’attribution a désigné M. Déret, instituteur à Beaune (la Lecture expliquée à l’école) comme récipiendaire du legs de l’année passée. Mais au cours de la discussion en séance, il s’avère que personne n’a eu entre les mains l’ouvrage du vainqueur… Le public présent ne manque pas de mesurer le manque de rigueur de son assemblée départementale dont le président préfère ajourner la question pour ne pas sombrer davantage dans le ridicule.

Rares sont les femmes dont le talent ou l’engagement figure au tableau d’honneur. En 1888, les sœurs Desliens, Marie et Cécile, natives de Chavenon, artistes-peintres à quatre mains, sont préférées au sculpteur Jean Coulon. En 1892, Marie-Louise Boitelet, aquarelliste et pastelliste (future épouse du peintre Alphonse Osbert et chargée de l’instruction artistique des princesses Isabelle et Louise d’Orléans) remporte la majorité des suffrages.

Marie Aubert de Chatel-de-Neuvre, professeur de musique à Moulins et poétesse, déjà candidate en 1892, échoue encore en 1896 (lauréat Guillaume Barbe, professeur de gymnastique à Moulins et fondateur de la Bourbonnaise). Le conseiller général de Las Cases propose de diviser le montant du legs en deux avec Mlle Aubert de Châtel-de-Neuvre, une artiste des plus méritantes qui se trouve dans la détresse la plus profonde. Il essuie un refus de ses collègues.

Et, pour en terminer avec la part féminine du legs Robichon, Jeanne Schneider, fondatrice en 1899 et directrice des Charmettes à Yzeure, institution pour jeunes aveugles toujours en activité en 2021, est distinguée au moins deux fois par les élus bourbonnais.

 

Louis Delallier

*Voir article précédent

 

Sources : presse locale - comptes rendus des sessions du conseil départemental - site Gallica

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