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Le grenier de mon Moulins

Histoire de Moulins (Allier) et anecdotes anciennes

Des Bourbonnais « aux Amériques »

Publié le 25 Juin 2023 par Louisdelallier

Le Dom Pedro de la compagnie des Chargeurs réunis

Le Dom Pedro de la compagnie des Chargeurs réunis

Au milieu du XIXe siècle, les migrations entre l’Europe et les Amériques prennent de l’ampleur. Elles s’expliquent en grande partie par la misère à fuir, la promesse de trouver des terres fertiles encore inexploitées et, pourquoi pas, l’espoir de faire fortune dans cet Eldorado aux immenses richesses minières. Les progrès de la navigation et la baisse des prix favorisent ces déplacements de populations d’un continent à l’autre. Mais ils ne s’expliqueraient pas sans le développement de l’information émanant de compagnies privées dont l’agence Havas-Reuter et émanant des gouvernements des deux côtés de l’Atlantique. Les pays de départ voient là un bon moyen d’absorber le surplus de main-d’œuvre arrivant dans les villes pour cause de crise agricole et les pays d’accueil attendent des travailleurs en nombre, prêts à cultiver les espaces vierges, à s’épuiser dans les mines, sur les chantiers de construction de villes et des chemins de fer.

Pendant les trois principales périodes d’émigration entre 1830 et la Première Guerre mondiale, l’Argentine, le Brésil, l’Uruguay, le Chili et le Pérou, principalement, reçoivent Espagnols, Portugais, Italiens, Allemands et Britanniques. Les Français sont présents en Argentine, au Brésil et au Chili, en moins grande quantité toutefois que les autres européens de l’ouest, sans doute à cause d’un plus faible accroissement de la population française.

Parmi eux, des Bourbonnais ont voulu tenter leur chance et n’ont pas reculé devant la prise de risque et les formalités à accomplir. Il est impossible de connaître le temps écoulé et les étapes franchies entre leur décision de partir et le départ proprement dit. Mais on peut imaginer les questions qui les ont assaillis et l’angoisse de tout quitter même si la vie au pays était dure.

Parmi ces aventuriers :

Philibert Raymond Traulière, 26 ans, de Montluçon, exilé au Mexique à Tampico (passeport du 20 avril 1854)

Jean Charvy de Saint-Plaisir : Brésil à Rio de Janeiro (passeport du 22 octobre 1858)

Gaspard Desmonteix, cordonnier, de Montluçon, 24 ans : Argentine à Buenos-Aires (passeport du 24 juillet 1860)

Raymond Traulière de Montluçon : Argentine à Buenos-Aires en 1868 

Robert Besse employé de commerce, rue du Pont-Ginguet à Moulins : Argentine à Buenos-Aires en 1869. Robert est né en 1842 à Moulins. Il est accompagné de sa femme Annette Thomas, couturière, née en 1849 à Moulins, et de leur fils, Frédéric, né à Moulins le 20 avril 1869

Jean-Baptiste Cotillard, charcutier de Moulins, 29 ans : Argentine à Buenos-Aires en 1869 avec femme et enfant également

Antoine Soalhat de Gannat, 32 ans : Argentine à Buenos-Aires en 1873

Claude Perrin, 56 ans, de Gannay-sur-Loire : Argentine à Buenos-Aires en 1873.

Les familles Meunier et Étienne, en tout dix habitants du hameau de Pétrassin à Arfeuilles, s’embarquent pour l’Argentine à la mi-décembre 1888 sur le Dom Pedro*. Ce sont Noël Meunier (né en 1847 à Arfeuilles), Mathie Deveau, son épouse (née en 1843 à Arfeuilles), Noël Meunier, 14 ans, François Meunier, 10 ans

et

Gilbert Étienne (né à Saint-Clément en 1850), Jeanne Deveaux, son épouse (née en 1848 à Arfeuilles), Claudine Étienne, 14 ans, Claude Étienne 12 ans, Noël Étienne, 9 ans, et Antoine Étienne, 6 ans.

Là-bas, « des terrains considérables sont remis à très bon compte à des émigrants français » explique le Courrier de l’Allier qui fait état de leur départ en quelques lignes.

Des recherches dans les fiches militaires permettent de confirmer l’implantation des deux familles en Argentine. En 1902, Noël Meunier vit à Soledad. Il fait une incursion à Arfeuilles en 1911 avant de retourner dans son pays d’adoption. Il est déclaré insoumis le 16 septembre 1914 pour ne pas avoir répondu à l’ordre de mobilisation. En 1899, Noël Étienne vit à Soledad, comme ses parents, puis à La Lagunilla en 1904. Il est déclaré insoumis le 6 novembre 1914. Il sera rayé de l’insoumission le 6 mai 1932 atteint par la prescription grâce à son âge. En 1904, Claude Étienne vit aussi à La Lagunilla.

 

Louis Delallier

 

*Le naufrage du Dom Pedro de la compagnie des Chargeurs réunis le 27 mai 1895 au large de Vigo en Espagne fait 103 victimes. Seize passagers et vingt-trois membres d'équipage sont sauvés par des embarcations de pêcheurs qui assistent à la catastrophe. Le navire a percuté un obstacle rocheux qui a fissuré la coque et provoqué l’inondation de la machine et l’explosion des chaudières. Le bateau coule en 10 minutes. C’est la terrible démonstration que la longue traversée de l’Atlantique pouvait s’avérer très dangereuse en plus des difficiles conditions de vie à bord.

Le Dom Pedro (104 mètres de long sur 12 de large), construit aux chantiers navals de Graville, près du Havre, est lancé le 12 octobre 1878. Il connaît de nombreuses avaries avant sa fin dramatique. La première se produit dès juillet 1879 avec la perte d’une aile d’hélice en plein océan et d’une deuxième pale avant d'entrer au port de Rio de Janeiro. Puis jusqu’à la 60e traversée, fatale, ce sont une rupture de l’arbre de propulsion qui le contraint à poursuivre à la voile son parcours, deux collisions, une nouvelle rupture de l’arbre et la perte d’une hélice.

 

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