Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le grenier de mon Moulins

Histoire de Moulins (Allier) et anecdotes anciennes

Moulins s’amuse

Publié le 30 Septembre 2018 par Louisdelallier in Spectacles

Paris-Centre du 9 décembre 1934

Paris-Centre du 9 décembre 1934

La définition du Quillet indique qu’une revue, à l’origine, est une représentation où l’on passe en revue les choses du jour par l’intermédiaire d’un compère et d’une commère. Le compère, et la commère sont chargés d’occuper l’attention du public pendant les changements de décors, d’annoncer et de provoquer les scènes qui vont suivre, de créer un enchaînement artificiel pour remédier au décousu du spectacle. Nos revues locales sont restées fidèles au genre et se sont inspirées au plus près de l’actualité.

Le décor est posé… Que se passait-il à Moulins dans ce domaine ?

Le 3 janvier 1891, se joue la première véritable revue moulinoise, Moulins-revue, écrite par Auguste Sauroy1, président de l’Union chorale, en deux actes, un prologue et cinq tableaux. Il y est question de l’éclairage au gaz, du chemin de fer économique, des vins de Saint-Pourçain, de dentistes, du Danube des Bataillots et du Petit Génie. Les dix représentations font salle comble ou presque.

Moulins express, deuxième du genre et du même auteur, donne la dernière de ses dix représentations le 29 janvier 1893. L’orchestre est dirigé par Monsieur Régnart. En trois actes et six tableaux, les Moulinois peuvent s’amuser de leurs petits tracas caricaturés. Ils savourent l’anecdote concernant le grand-duc Alexis Alexandrovitch, frère du tsar Alexandre III, sur l’air de l’hymne russe : « Nous attendons en vain/L’illustre voyageur !/Mais, par malheur,/L’grand-duc a manqué l’train ». En effet, attendu en grande pompe à la gare de Moulins le 11 août 1891, il manque à l’appel et ne fera un arrêt que le 13 août entre 3h 52 et 3h 56. Il est à noter qu’un tableau relatif à l’affaire de Panama, devenue entre-temps, un scandale d’Etat, est retiré. Les interprètes, tous plus bourbonnais les uns que les autres, se nomment Marinier, Barillet, Chemel, Mathieu, Raynaud, Louis Laroque, etc.

Vers 1904-1905, les acteurs chantent : Comment se fait-il qu’en sortant de la gare je n’ai pas trouvé le petit tramway pourtant si utile ? composé par Pierre Montel.

Le 26 décembre 1915, le public se divertit sur fond de guerre en assistant au théâtre à la Revue moulinoise des autochtones Alfred Meilheurat et Hubert Pajot. Les recettes sont reversées aux hôpitaux de la ville pour faire face à la très lourde charge supplémentaire que représentent les blessés de la guerre.

Entre les deux guerres, La revue de Moulins, Moulins bouge (1925) et Babies-cocktail sont autant de spectacles écrits et répétés avec soin qui remplissent la salle à chaque représentation.

Hubert Pajotest l’auteur du livret de Moulins Bouge (musique de Pierre Chaumas, l’Yzeurien, décors cubistes de Paul Herblay3, mise en scène de monsieur et madame Durafour et danses réglées par madame Swaine dont L’oyasse de Gayette, ballet-pantomime. S’y produisent des talents locaux tels que Mlles Lily Crispon (Lulu), Henriette Desboutin (Bouboule) et Andrée Bonnabot (la Bourbonnaise et Jeanne) aux côtés de Marcel Michaud et Alexandre Dubost dont la jeunesse et la fantaisie font un tabac. La recette exceptionnelle de 20 000 francs en est une preuve tangible. On n’oublie pas le bureau de bienfaisance qui reçoit 4 000 francs. La ville empoche 600 francs et l’Etat 1 500 francs.

En novembre 1933, les amateurs sont ravis d’apprendre que se monte Par-dessus les moulins, revue due à Roger Rabot (de Bourges) dit Régor, membre de la Société des auteurs. Il s’est fait un plaisir de mettre en scène les travers de quelques personnalités moulinoises. Les participants sont tous des amateurs qui répètent quotidiennement. Les chorégraphies sont en partie exécutées par les Folly Regor’s girls, ni plus ni moins ! Un studio spécialisé réalise les décors et des couturières expérimentées sont chargées des costumes de la troupe.

Le succès s’annonce grand car les réservations de place parviennent de Clermont-Ferrand, Dijon, Châlon-sur-Saône, Nevers... La première a lieu mardi 5 décembre au théâtre municipal. Le 6, la revue se produit en soirée et le dimanche 10 en matinée suivie d’une grande soirée de gala. Après chaque représentation, les spectateurs peuvent se restaurer au buffet dressé au foyer du théâtre et danser.

L’année suivante à la même époque, Régor propose Jazz…e !!!. La location des places est possible au syndicat d’initiatives, 3 rue Bréchimbault. Le choix est large entre les loges de face, les loges de côté, les fauteuils d’orchestre, les baignoires, les premières galeries, les places en parterre, en pourtour, les stalles, les places à l’avant-scène, au premier rang, au deuxième rang et dans l’amphithéâtre (les moins chères). Il est recommandé de venir en tenue de soirée pour pouvoir danser après le spectacle. Trois soirées sont programmées les samedi 1er décembre, dimanche 2 et jeudi 6 (places à prix réduits) ainsi qu’une matinée le dimanche 2. Le succès sera tel qu’une séance supplémentaire sera donnée le dimanche 9 décembre à 20h 30. Le théâtre est décoré par la maison Treyve frères. Des Bourbonnaises et des meunières vendent le programme. Leurs costumes préfigurent le spectacle.

Les acteurs amateurs sont accompagnés par 30 à 35 musiciens, considérés comme l’élite artistique de Moulins, dirigés par Mme Durafour.

Les tableaux se succèdent sans temps mort et provoquent l’hilarité et les applaudissements des spectateurs qui s’amusent d’autant plus qu’ils reconnaissent certains des leurs sur la scène. La légende de la fondation de Moulins est interprétée en chansons par M. Messonnet en sire Archambault et par Mlle Champommier en meunière, charmante dit-on. Monsieur Midy déchaîne les rires dans Midyval à la Comédie française. Monsieur Messonnet et Mlle Vachette se produisent dans le Temps des cerises. Messieurs Guillaumin, Midy, de Salvert s’en donnent à cœur joie dans Marianne-Circus où les politiciens « staviskeux » sont largement caricaturés. Mme Desperrier joue une douairière marieuse, M. Dubost un sexagénaire démodé. Le talent de M. Jeandet, ténor, de Messieurs Argouges, Desperrier, Guillaumin, Lauvand, de Mlles Besnard et Vachette chanteuses est également mis à contribution. Succès populaire savouré par M. Marquais, président du comité des fêtes. Ces soirées se terminent toutes aussi par un bal au foyer du théâtre.

 

Louis Delallier

 

1 - Auguste Sauroy (Tours 1864 - Trévoux 1946), tout comme Hubert Pajot, mériterait un article spécifique. Ce peintre-décorateur nous est arrivé de Tours en 1889 où il retournera une quinzaine d’années plus tard. Il exerce aussitôt son talent à Moulins dans la maison Mantin, au Grand café et au théâtre municipal, à Vichy à l’hôtel des Sources, etc. Auguste Sauroy ne se contente pas d’exceller dans son domaine favori, il est  aussi musicien, écrivain, conférencier. C’est ainsi qu’il s’implique dans la réalisation des revues citées ci-dessus et de cavalcades qui, toutes, remportent un beau succès populaire.  

2 - Hubert Pajot (Moulins 1896 - Melun 1986) est né à la Madeleine à Moulins où ses parents possédaient la manufacture de grès et de poterie. Il poursuit des études de droit à Paris et obtient un doctorat auquel il ajoute un diplôme de l’Ecole libre des sciences politiques. D’abord avocat, il s’installe à Fontainebleau en tant que commissaire-priseur où il acquiert une notoriété certaine. Il écrit également des ouvrages d’histoire, des poèmes et pièces de théâtre (son Théodore de Banville créé en 1923 à Montmartre est un succès). Dès juin 1940, il entre dans la Résistance. Cette expérience le conduit à se présenter aux élections municipales d’août 1944 à Fontainebleau dont il devient maire en 1945 (poste qu’il occupera jusqu’en 1959). Elu au conseil général de Seine-et-Marne de 1945 à 1958, il obtient le siège de sénateur en 1946 soutenu par le Parti républicain.

3 - Paul Herblay, de son vrai nom Paul Hirschmann, élève de l’école des Beaux-Arts de Paris, était le gendre du marbrier moulinois Paul Moretti, rue de Paris. Il est l’auteur, en collaboration avec son beau-père, des monuments aux morts de Villeneuve-sur-Allier, de Franchesse, de Gennetines dans l’Allier et de Mers-sur-Indre dans l’Indre (voir mon article à son sujet).

Commenter cet article
D
Merci pour ces très utiles précisions que je viens de rajouter à mon article. Je n'ai pas trouvé confirmation pour le monument de Franchesse.
Répondre
A
C'était une autre époque ! les "décors cubistes de Paul Herblay" me font rappeler que Paul Herblay , Parisien d'origine crois-je savoir , était le gendre du sculpteur Moretti bien connu à Moulins .Il créait des modèles pour son beau-père et serait à l'origine du Poilu de Franchesse , monument aux morts 14-18, dont 3 exemplaires seulement existent en France , 1 à Franchesse donc et un à Villeneuve- sur- Allier et un à Mers -sur Indre <br /> <br /> Bien à vous, Alexandre
Répondre