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Le grenier de mon Moulins

Histoire de Moulins (Allier) et anecdotes anciennes

1897 : une année d’échappées animales en ville

Publié le 31 Mars 2024 par Louisdelallier in Faits divers

1897 : une année d’échappées animales en ville

Les déplacements quotidiens en voiture hippomobile ou les transferts d’animaux entre les gares et les foirails ont très longtemps représenté des dangers imprévisibles et aux conséquences parfois très graves pour la population.

C’est pour cette raison que le maire de la Charité-sur-Loire prend un arrêté au début d’année 1897 après un énième accident provoqué par un animal ayant échappé à son conducteur. Il demande d’entraver les bêtes qui doivent traverser la ville et le faubourg de la Loire les jours de foire afin qu’elles ne puissent pas courir.

À Moulins, en février, un journaliste souligne le comportement rude, voire cruel, des toucheurs et garçons bouchers qui se complaisent même à harceler de coups de bâtons des animaux déjà déboussolés par la marche de la gare aux abattoirs ou au cours de Bercy. Leur anxiété ainsi exacerbée et la souffrance entraînent ces réactions incontrôlées et périlleuses trop souvent à déplorer. Et pourtant existe la loi Gramont*.

Cette année 1897, et elle n’est pas la seule, est ainsi le théâtre à Moulins de bien des courses dangereuses à travers les rues. La première a lieu dès le mardi 5 janvier vers 15 heures rue de Pont. Un cheval affolé est courageusement arrêté par Baptiste Lamouroux ancien charretier.

Le 5 février, jour de foire, vers 12h 30 à la gare, une vache** s’échappe du wagon où elle est tout juste embarquée. Elle s’enfuit par la rue de Bardon et bouscule une ménagère, Mme Caziot, et ses fillettes d’1 et 5 ans qu’elle a tenté de protéger. Plus ou moins sérieusement contusionnées toutes les trois, elles sont conduites chez le docteur Brinon.

La vache gagne la rue des Six-Frères, suit les Cours jusqu’à l’hôtel de Paris et prend la rue du Lycée. Les gens s’écartent précipitamment devant elle sauf Mayeul Perron qu’elle envoie promener en hauteur d’un coup de tête près de l’entrée de la congrégation de Notre-Dame. L’homme de 69 ans, domicilié à Saint-Loup, retombe sur l’arête du trottoir et se blesse grièvement à la tête : os temporal droit enfoncé, base du crâne, os frontal et du nez fracturés. Le sang coule. Le docteur Méplain accourt en même temps que l’abbé Bouillon, l’un des vicaires de Notre-Dame. Le blessé, accompagné de son frère, est conduit à l’hôpital Saint-Joseph dans une voiture de l’hôtel de Paris. Le docteur Bruel, médecin-chef à Saint-Joseph, après avis des chirurgiens-adjoints, envisage une trépanation. Elle ne sera pas nécessaire car Mayeul expire le lendemain vers 13h 30 sans souffrance.

La vache n’en a pas terminé avec son périple déchaîné. Avant d’être enfin maîtrisée et attachée, elle expédie d’un coup de corne dans la poitrine, sur la terre du cours de Bercy, Jean Signoret, 46 ans, fermier à Meillers. Il se relève seul tout en se plaignant de douleurs internes.

Dix jours plus tard, un lundi, un officier de chasseurs arrête, vers 10 heures, un attelage de boucher emballé rue Régemortes. Le cheval était affolé par une couverture flottant sur son dos. L’officier s’en va ensuite discrètement.

Le lendemain, un cheval débouche à vive allure dans la rue du Lycée. Le véhicule auquel il est attelé heurte une borne chasse-roues à l’entrée des magasins Bonnichon, négociant en bois.  L’animal s’écroule, les deux passagers sont projetés sur le sol. Ils s’en sortent indemnes, ce qui n’est pas le cas de l’animal qui est abattu. L’attelage appartient à Lemmes fils, négociant en toiles à Molèdes dans le Cantal.

Une semaine est passée quand une vache maltraitée par un garçon boucher dans la bascule de l’abattoir prend la fuite vers la rue du Vert-Galant avant d’entrer dans les magasins de Monsieur Besson marchand de bois et de se réfugier dans la cour de l’entrepôt Bonnichon où on la maîtrise difficilement.

Le samedi 13 mars 1897, vers 7 heures, le cheval de Monsieur Cluzel, attelé à un chariot sur lequel est attaché un tonneau, stationne devant l’hôtel du Bouillon-Duval avenue Nationale (avenue du Général-Leclerc actuelle). Subitement effrayé, il galope rues de Chagny (Actuelle rue Marcellin-Desboutin), du Cerf-Volant, Michel-de-L’Hospital, avenue Victor-Hugo, rue Pape-Carpantier où il est arrêté. Un long périple sans dégâts.

Le 26, cette fois, un cheval attelé casse un volet de la vitrine du restaurant Bathelat à cause d’un virage mal négocié à l’angle des rues de Pont et de la Batterie.

Le mardi 13 avril vers 13 heures, un veau échappé de l’abattoir situé au bord de la place aux Foires (place Jean-Moulin actuelle) arrive place d’Allier par la rue Mathieu-de-Dombasle. Trois hommes sont à sa suite et le voient briser la vitrine de la charcuterie Chêne après avoir fait un brusque écart effrayé par un passant. Il se retrouve dans le magasin au milieu des jambons, galantines, pâtés où il se calme devant un Monsieur Chêne abasourdi qui prépare son exposition annuelle. Sur le trottoir, les commentaires vont bon train. Le journaliste qui rapporte l’évènement plaisante : Si ça avait été un cochon ça aurait pu être des représailles.

Monsieur Kaufmann, employé de pharmacie, sa femme et sa petite fille passent route de Montilly le samedi 1er mai. Leur cheval s’emballe en descendant la rampe du pont de la Queune. M. Betz, caporal des pompiers, fraîchement récompensé pour son dévouement par une médaille d’honneur, heureusement présent sur les lieux, se précipite à la tête de la bête et le maîtrise avec l’aide de messieurs Roux et Colas.

Le 7, Monsieur Bruniaud, coquetier à Yzeure, revient de Saint-Bonnet avec une voiture qu’il était allé chercher chez Fourier charron. Le cheval attelé, jeune et fougueux, démarre soudainement. Le grincement des freins aussitôt actionnés par le conducteur l’effraye encore plus. Le pauvre Girard, 76 ans, journalier à Saint-Bonnet, est trop sourd pour l’entendre arriver. Il est projeté au sol où l’une des roues lui passe sur les chevilles. Il est blessé également à la tête. Une indemnisation de Bruniaud et 40 jours de repos lui sont octroyés.

Un autre cheval attelé, celui de M. Soalhat propriétaire à la Madeleine, s’emballe le dimanche matin 18 juillet 1897 et parcourt le trajet de la gare au pont Régemortes où un apprenti boucher de chez Got l’arrête. Ces interventions courageuses ne sont pas sans danger dans tous les cas.

Le samedi 28 août, une voiture de boucher, traînée à toute vitesse par son cheval dans la rue d’Allier, renverse un attelage stationné devant le magasin Bucheron et une voiture à âne qui passe en sens inverse. Il en résulte plus de peur que de mal.

Deux jours après, le cheval du docteur Berthomier s’emballe à Yzeure. Le cocher choisit le fossé afin d’éviter de percuter des passants ou d’autres véhicules.

M. Raymond, tripier, voit son cheval affolé prendre la rue Laussedat, la place d’Allier, la rue du Pont-Ginguet pour s’abattre rue de la Fraternité. Les dégâts sont minimes. Nous sommes le samedi 4 septembre.

Le lundi suivant, c’est encore un cheval, celui de M. Desnoyers boucher, arrivant de l’avenue d’Orvilliers, qui se précipite contre la grille de l’octroi refermée par les agents de service pour l’empêcher de tomber dans l’Allier.

Au bout de deux semaines, le lundi 27 septembre vers 14 heures, un cheval tirant la voiture à deux roues de M. Mesple boulanger rue de Bourgogne prend la mouche rue de Bourgogne, percute un cycliste sur le cours Choisy (Louis Troiplis, coiffeur rue de Paris, s’en sort avec une entorse), continue sa course rue des Potiers, bouscule une brouette rue de Paris avant de foncer dans un arbre du cours de Bercy. La voiture est très abîmée.

Sur le coup de 16 heures, le lundi 25 octobre 1897, le cheval de M. Colin, dresseur, est maîtrisé route de Paris par Louis Boucat, fumiste demeurant rue du Pont-Ginguet.

Vendredi 29 octobre 1897 vers 16 heures, un autre courageux stoppe un cheval attelé à un break à la hauteur de la rue de Villars après qu’il a remonté l’avenue Nationale à une vitesse folle.

Rue de Chagny, le samedi 27 novembre, le cheval tractant un tombereau appartenant au tanneur Pailloux se met à courir. M.  Boursat, commissionnaire public, s’en attribue le contrôle près de la gare des voyageurs. Mais M. Chemel, maçon rue du Porteau, revendique d’avoir donné deux coups de pelle sur le museau de l’animal et ce devant une quarantaine de témoins près de chez Thévenin restaurateur à la gare.

Le dernier incident de l’année relevé par la presse, le jeudi 16 décembre, concerne M. Dubost, boucher aux Champins. Son cheval prend peur sur la place d’Allier dont il fait le tour. Il s’engage rues Paul-Bert et Gambetta. Enfin, rue des Couteliers, un employé de la compagnie du gaz se jette à sa tête et le maîtrise avec peine.

 

Louis Delallier

*Jacques Delmas de Grammont, général et député fait voter par l’Assemblée nationale, le 2 juillet 1850, une loi sur la maltraitance animale : Seront punis d'une amende de cinq à quinze francs, et pourront l'être d'un à cinq jours de prison, ceux qui auront exercé publiquement et abusivement des mauvais traitements envers les animaux domestiques. Elle sera complétée par la loi n° 51-461 du 24 avril 1951. Cette loi est abrogée par le décret no 59-1051 du 7 septembre 1959 qui sanctionne la cruauté envers les animaux domestiques, y compris dans le cadre privé.

 

**Cette escapade bovine aboutit à un procès devant le tribunal de commerce par le propriétaire, Laurent Crétier, fermier aux Pagnauds à Neuvy, qui n’en a pas reçu le prix. Il obtiendra gain de cause et recevra de l’acheteur Guinard 361 francs, prix de la vache, avec intérêts de 5% à compter du 11 février.

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N
très intéressant votre article - j'avais déjà lu ce type d'incidents en parcourant la presse moulinoise de l'époque. Le curé d'Avermes relate dans un de ces bulletin paroissial le même type d'accidents
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A
Merci pour votre article que j'ai trouvé passionnant. Les accidents avec animaux très fréquents de cette époque faisaient les choux gras de la presse locale <br /> voire nationale.
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D
Merci pour votre retour. Ces événements devaient être très prégnants du fait qu’aucun lieu n’était épargné, ni aucun moment de la journée, voire de la nuit.