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Le grenier de mon Moulins

Histoire de Moulins (Allier) et anecdotes anciennes

La kermesse de bienfaisance des 25 et 26 mai 1890

Publié le 26 Septembre 2021 par Louisdelallier

Courrier de l'Allier du 14 mai 1890

Courrier de l'Allier du 14 mai 1890

L’Union chorale moulinoise présidée par monsieur Rigaud propose aux habitants de la ville et des environs un week-end de Pentecôte festif au profit des pauvres (50 centimes l’entrée - demi-place pour les militaires - gratuit pour les enfants de moins de 8 ans accompagnés de leurs parents). La préparation des attractions requiert des talents d’artistes comme ceux d’Auguste Sauroy*, tout jeune peintre tourangeau installé à Moulins et de l’architecte Laroque. 

La veille à 20 heures, la retraite aux flambeaux lance les réjouissances. La Lyre moulinoise et la fanfare du 10e chasseurs entraînent un défilé fourni de la place d’Allier à la place d’Allier en passant par les rues d’Allier, de l’Horloge, François-Péron, de Paris, les cours, les avenues de la Gare et Meunier, les rues de Lyon, des Couteliers, Wagram, de Pont, places d’Allier et Achille-Roche, rue Régemortes, la levée, rue du Pont-Ginguet.

Le lendemain, c’est à 13 heures que la cour dite du petit lycée (Banville, cours Vincent d’Indy) commence à s’animer. Devenue une véritable fête foraine, elle est méconnaissable. Des rails Decauville permettent d’en faire le tour dans des wagonnets prêtés par monsieur Bodard de Commentry qui s’arrêtent à deux stations, Place d’Allier et Les Gâteaux. La vitesse d’escargot du convoi modère les conséquences du seul petit déraillement à déplorer. 

La buvette Alsace-Lorraine, qui sert aussi du champagne, occupe le centre des petites baraques. Trois jeunes filles vêtues chacune de l‘une des trois couleurs du drapeau français servent la clientèle juste en face de la foire aux pains d’épice tenue par le jeune ménage Lapêche et du comptoir du cidre où s’affairent deux Normandes avenantes.

Les représentations du cirque moulinois (il y en aura douze !) sont les plus prisées. De l’écuyer qui voltige, aux gymnastes en passant par le directeur et les clowns, tous sont des autochtones que les spectateurs sont ravis de découvrir dans ces activités inédites

Les dames charitables tiennent les stands de vente de fleurs, bibelots, souvenirs divers portant le nom de l’acheteur, tabac, billets de tombola (20 centimes) où elles mettent en œuvre tout leur savoir-faire pour convaincre les passants de débourser un peu d’argent en faveur des nécessiteux. Le musée vivant patriotique, l’arène athlétique, le concert oriental où l’on accède par la rue du Caire, les chevaux de bois, les tourniquets, etc., ne désemplissent pas.

La Lyre moulinoise apporte à nouveau sa contribution en jouant au grand concert de 16 heures auquel on peut assister assis si l’on a bien voulu louer une chaise.

Des typographes parviennent à imprimer sur place, toutes les heures, un petit journal illustré, joli tour de force qui exige de ne pas perdre une minute.

A 18 heures, malgré la lumière du jour, les allées et les stands sont illuminés (on parle d’embrasement général de la fête). Le feu d’artifice commence à 22 heures et se termine juste avant l’orage terrible et ses trombes d’eau qui s’abattent sur la ville.

Lundi, la fête reprend de 14h à 16 h et de 18h à 23 h. La matinée est consacrée à la réparation des dégâts causés par l’orage de la veille. Il fait meilleur, mais le lâcher de pigeons-voyageurs et l’envol du ballon « le Jacquemart » et de son aéronaute doivent être annulés. A 21 heures, deuxième feu d’artifice avec illuminations de la fête et, à 23 heures, bal champêtre pour clore cette deuxième kermesse de bienfaisance.

Il reste néanmoins le tirage de la tombola pour continuer à se réjouir. Au 21 mai, plus de 10 000 billets avaient été vendus. Au moins 500 donateurs, parfois modestes, d’un ou plusieurs lots ont fait l’objet de listes détaillées parues dans la presse. L’exposition au 8 rue de la Flèche a suscité l’intérêt et peut-être la convoitise**.

Le tirage se déroule le dimanche 1er juin à 14 heures du haut d’une estrade placée sur le cours de Bercy face à la vaste prairie des Gâteaux. La longue énumération des gagnants s’étire comme une litanie sans fin. Une Moulinoise, qualifiée de plantureuse remporte une paire de « fausses-gorges » dont elle n’a nul besoin et sait en rire.

 

Il fait très beau. La foule des grands jours est fidèle d’autant plus que, de 13h à 18h, elle peut se divertir grâce au théâtre de Pietro Gallici, aux deux manèges de chevaux de bois qui tournent sur les airs de la Boiteuse ou Fanfan la Tulipe, et sur les deux parquets de danse animés par deux orchestres distincts.

Des marchands d’orange et de sucres d’orge, de bière et de limonade, le comptoir de bimbeloterie, le comptoir de biscuits et rafraîchissements tenus par des membres de l’Union chorale en habit noir, cravate blanche et insigne de leur société à la boutonnière, la Lyre moulinoise, tout concourt à une atmosphère dominicale détendue. Au loin, échoué dans un jardin, le ballon multicolore qui s’est décroché de ses amarres mal fixées attire quelques remarques ironiques.

Le seul point noir est soulevé par des femmes portant de fraîches toilettes printanières ce jour-là. Par manque de chaises pour suivre le tirage au sort de la tombola, nombreuses sont celles à s’être assises dans l’herbe de la prairie où viennent paître les vaches de l’hôpital. Il n’est pas difficile de deviner le pourquoi de leur agacement…

 

Louis Delallier

 

*On lui doit les décors de la maison Mantin et du Grand café à Moulins, de l’hôtel des Sources à Néris-les-Bains, du café du Helder à Montluçon, de plusieurs églises bourbonnaises et une participation créatrice à bon nombre de fêtes moulinoises.

**Pêle-mêle et au hasard :

Chapeau feutre ou paille (Ducrot, chapelier)

Une demoiselle et ses faveurs ! (Méténier, charcutier)

Un biberon, un sifflet de chemin de fer, un tire-bouchon (Prud’homme, ferblantier)

Une miche colossale (Raynaud, boulanger)

Un oiseau empaillé (Machefer, fourreur)

Un cartel Louis XVI, un bracelet 32 jours de bonheur, un dé en argent, un thermomètre, une épingle, une parure de boutons en doublé (Raimbault, horloger)  

Un panier bière un panier limonade (Loizel frères brasseurs) 

Un fût de bière (Schneider et Cie)

Abonnement de 6 mois à son salon (Gibbe coiffeur) 

Abonnement d’un an (Barbe gymnaste)

Une tête de veau (Bouard, boucher)

Une pipe de bruyère (Mlle Marquet, buraliste) 

Deux cochons d’Inde (Pêcheur, coiffeur)

Un gilet de soie sur-mesure (Girodeau, tailleur)

Un bonnet de baptême (Mme Gallot, lingère)

Bon pour 10 chaises un jour de musique (Arnaud)

Sa vie et ses œuvres 1 volume (Daniel Charbonnier juge de paix à Jaligny

Un fromage de lièvre (Rafestin)

Deux jours de coiffure à une jeune mariée ou deux mois d’abonnement à toute autre personne (Mme Bariol, rue des Minimes)

Deux flacons de teinture pour barbe et cheveux, une perruque pour poupée (Boucaut, coiffeur) Un cierge (Vérillaud)

Un Christ (Pillaudin)

Une voiture de charbon à prendre chez le donateur

Deux paires de fausses-gorges, 6 calendriers, un éléphant (Ludovic Marquet, représentant de commerce à Lyon)

Une paire de sabots chinois (Cavardon)

Deux exemplaires de son livre Fauvettes et chansons d’avril (Lucien Brun, poète)

Trois kg de pain (Barret, boulanger)

Une boîte de sardines (mère Bobier)

Une petite machine à coudre et deux tombereaux de sable pour jardin (Pierre Clostre)

500 g de beaux et bons berlingots (Janin, berlingotier)

Et quantité de bouteilles de liqueurs et vins (élixir La Moulinoise, rhum, champagne, Genièvre Quinquina, Saint-Emilion, eau-de-vie d’Algérie, vin du Rhin, Kummel, Cognac, Noilly, Guignolet, etc.

 

 

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