Monsieur Armand Fallières, président de la République française, accorde à Moulins cinq minutes de son temps le 3 juillet 1910. Il s'en va inaugurer l'exposition coloniale de Clermont-Ferrand. Le train présidentiel parti de Paris s'arrête de 15h 23 à 15h 28 le long du quai. À première vue, cet évènement ne peut que se dérouler dans la simplicité tant il sera court. Mais la réalité est tout autre.
Trois cents hommes du 10e régiment de chasseurs sous les ordres de leur colonel, deux chefs d'escadron, plusieurs capitaines et une grande quantité de lieutenants sont répartis du passage à niveau de la rue de Bourgogne jusque dans les environs du pont de la Paillasse. Des sentinelles gardent les bâtiments de la gare. Dix-huit gendarmes sont rassemblés sous la marquise et des groupes de cavaliers se déplacent le long des voies.
Sur le quai de Paris, Monsieur Cassé-Barthe, secrétaire général de la préfecture (le préfet quant à lui se trouve à Gannat pour l'étape suivante), l'état-major militaire et la direction de la société de chemin de fer attendent le prestigieux voyageur. Les journalistes locaux sont tenus éloignés du quai, ce qui, de mémoire de journaliste, est une mesure exceptionnelle et discriminante. Peut-être est-ce pour éviter la concurrence avec leurs confrères parisiens qui sont, eux, bien présents à bord du train ?
A 15h 20, les trompettes donnent le signal. Trois minutes après, devant des militaires au garde à vous, le convoi composé d'une locomotive ornée de drapeaux, de deux wagons-salons, d'un wagon-restaurant et d'un fourgon à bagages stoppe. Monsieur Fallières, vêtu d'une redingote, est debout dans son salon agrémenté de blasons aux armoiries des grandes villes de France. Jean Dupuy ministre du commerce et le général Brun, ministre de la guerre sont du voyage. Le président s'approche de la vitre ouverte du côté des bâtiments de la gare et salue de la main. Il fait de même de l'autre bord du train et au moment du départ. Pendant ce temps, les voyageurs sont confinés dans la salle des pas perdus.
Bien entendu, les réactions de protestation devant ce déploiement de forces de sécurité inaccoutumé ne manqueront pas, jusque dans la presse locale qui en fera volontiers un écho caustique.
Louis Delallier