Dimanche 17 novembre 1889, 14 heures. Ils sont nombreux à se presser rue de Paris pour entrer au lycée Banville et déjà très nombreux dans les cours intérieures. Chacun souhaite s’associer à l’hommage qui va être rendu aux cinq anciens élèves morts au cours de la dernière guerre. C’est de celle de 1870-71 qu’il s’agit. Malheureusement, les générations suivantes ne perdront rien pour attendre.
Des drapeaux tricolores marqués R.F. sont accrochés un peu partout dans l’établissement pour rappeler la France, la République, la Patrie. L’estrade est dressée dans une salle très longue et oppressante car basse de plafond.
A l’entrée des officiels, la Lyre moulinoise, installée dans une salle latérale, entame la Marseillaise. La cérémonie est présidée par monsieur Seuillet, président de l’association des anciens élèves et conseiller général. Il est entouré de monsieur Micé, recteur de l’académie de Clermont, monsieur Vincent, préfet de l’Allier, du général Duffaud, d’Alphonse Ville, maire de Moulins.
Sur la gauche, la plaque offerte par les membres de l’association des anciens élèves à la mémoire de leurs camarades est dissimulée sous un crêpe noir et les trois couleurs nationales.
A droite, se tient un groupe fourni d’officiers de l’armée active de la territoriale dans leurs impeccables uniformes rouges, bleu ciel et bleu marine. Près de l’estrade, l’alignement des gymnastes de la Bourbonnaise dans leur vareuse de flanelle blanche nouée au cou par une cordelette verte est presque militaire.
Devant un auditoire qui n’a pas laissé de place libre, le président de l’association des anciens élèves et le recteur d’académie prononcent leurs discours où le patriotisme exacerbé est célébré sous les applaudissements. Le recteur a ces mots : « Je salue le patriotisme où qu’il soit : chez les zouaves de Charrette, chez les royalistes de Cathelineau ou chez les volontaires de Garibaldi », qui réunissent dans la même ferveur des combattants aux idéaux et aux moyens bien éloignés les uns des autres.
Enfin, au son d’une marche funèbre, quelques représentants de la Bourbonnaise dévoilent la plaque noire. Les applaudissements redoublent. Mais leur frénésie cache autre chose que la seule admiration pour le courage altruiste des soldats. Le recteur vient d’annoncer un jour de congé supplémentaire accolé au 1er janvier ainsi que la levée de toutes les punitions pour les élèves… La célébration se termine avec le Canon d’alarme joué par la Lyre moulinoise.
La solennité et le recueillement n’auront pas raison de l’appétit des personnalités qui se retrouvent pour un banquet à l’hôtel de l’Allier… Mais dix-neuf ans se sont déjà écoulés et il faut bien continuer à profiter de la vie !
Les cinq jeunes hommes honorés sont :
Victor Bertucat, soldat au 18e R.I.L. (ligne - infanterie) - Défense de Strasbourg - Blessures reçues alors qu’il partait en reconnaissance comme volontaire - 16 août 1870 - Il avait 23 ans.
Gilbert Esbeaupin, capitaine au 35e R.I.L. (ligne - infanterie) - Mézières, défense de Paris, Plateau des Hautes-Bruyères, ferme de Chevilly - 30 septembre 1870 - Il avait 26 ans.
François Michel, lieutenant au 70e de ligne (ligne - infanterie) - Bataille de Saint-Privat (Moselle) - 18 août 1870 - Il avait 28 ans. Il était Saint-Cyrien et officier de carrière.
Gaston Rohaut, capitaine au 58e R.I.L. (ligne - infanterie) - Arthenay, Bacon, Orléans, Marchenoire, Blois, Meung, Montoire, Mer - 31 décembre 1870 à Azé (Loir-et-Cher) - Il avait 21 ans - Il est inhumé au cimetière d’Azé où sa famille a fait élever un monument.
André Thonier-Laforêt, lieutenant au 32e régiment de marche - Vosges, Bourgogne, Ladois près de Beaune (Côte-d’Or) - 22 décembre 1870.
La plaque est toujours visible au Lycée Banville, fixée à l’un des murs du cloître.
Louis Dellalier
PS Merci à M. Roussat, proviseur adjoint du lycée Banville, pour son aimable accueil.