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Le grenier de mon Moulins

Histoire de Moulins (Allier) et anecdotes anciennes

Les Chivert, cuisiniers ou musiciens (1) : Louis et Jean-Louis

Publié le 4 Avril 2020 par Louisdelallier in Musique, Portraits

Acte de mariage Chivert-Averot, le 11 janvier 1898 - particularité notable, la signature de Marie-Louise Mathiaux (première femme à témoigner dans un acte d'état-civil moulinois)

Acte de mariage Chivert-Averot, le 11 janvier 1898 - particularité notable, la signature de Marie-Louise Mathiaux (première femme à témoigner dans un acte d'état-civil moulinois)

Ils sont quatre frères nés à Ygrande entre 1871 et 1881 : Jean-Louis, Jules, Émile et Georges. Louis Chivert*, leur père, tient un café et joue de la cornemuse avec brio. Avec son alter ego Jean Contamine, joueur de vielle, ils parcourent les villages environnants. Bals, mariages, fêtes religieuses ou laïques, défilés, concours de musique, ils sont partout et rencontrent toujours le même succès. Ils se sont formés sur le tas et ne connaissent rien à la théorie musicale, leur talent suffit. À la mort de Jean, Louis continue les tournées avec ses trois fils aînés qui le suivent bon gré mal gré. Camille Gagnon* raconte qu’ils s’épuisaient en des bals qui n’en finissaient pas et que leurs fausses notes étaient sévèrement relevées par papa.

Jean-Louis n’a pas tiré parti de cette éducation musicale à la dure. Il devient cuisinier et part travailler bien loin de son Bourbonnais natal. En 1894, il est successivement employé à l’hôtel de Paris à Monaco et dans un restaurant de la rue du Champ-de-Mars à Paris. L’année suivante, il fait les saisons aux mêmes endroits. En janvier 1896, il est embauché au Savoy à Londres. Deux ans plus tard, au moment de son mariage***, il vit toujours à Londres où il cuisine pour l’hôtel des Princes à Piccadilly.     

C’est sans doute à cette époque qu’il ouvre le restaurant des Acacias, alias salle Chivert, route de Lyon à Yzeure en limite de Moulins. Son expérience dans les grands hôtels lui attirne une clientèle fidèle et nombreuse.

Voici le menu servi le dimanche 4 décembre 1898, jour de la Sainte-Barbe, aux pompiers et aux autorités civiles !

Potage crème royale

Hors-d’œuvre variés

Brochet sauce ravigote

Filet de bœuf financière

Cuissot de chevreuil sauce poivrade

Canetons à la rouennaise

Haricots verts au beurre

Dindonne bardée

Salade

Pâté de gibier à la gelée

Langouste sauce rémoulade

Crème renversée au caramel

Brioche

Tarte aux fruits

Nougat

Biscuit de Savoie

Dessert varié

Saint-Émilion et Saint-Estèphe

Café

Liqueurs

Champagne

 

Et celui tout aussi impressionnant, et au vocabulaire adapté, du samedi 23 septembre 1899 pour les cheminots :

Potage à l’Economique

Brochet sauce P.O.

Filet de bœuf au disque

Timbale au Westinghouse

Civet de lièvre carré

Chou-fleur à la Jousselin

Perdreaux à la vapeur

Salade de traverses

Écrevisses en wagon

Plum-pudding en briquettes

Biscuit de Savoie et nougat P.L.M

Brioches et tartes arrêt

Dessert les freins

Vin du clos de Nomazy

Bourgogne de Marcellange

Champagne des Bataillots

 

On ne compte plus les fêtes, bals, carnavals, matinées-soirées, kermesses-concerts (dont certains sont animés par Chivert père) qui se déroulent chez Chivert au moins jusqu’à la Première guerre. Une salle de danse où on ne craignait pas d’inviter jusqu’à 1500 personnes et un extérieur à la manière des jardins anglais où un manège de chevaux de bois et des stands trouvaient assez de place pour y être déployés sont des atouts indéniables pour attirer la clientèle.

En novembre 1904, le propriétaire des lieux annonce la réouverture de son établissement rénové. L’entrée principale donne directement accès aux jardins anglais. Salles à manger et de danse de dimensions respectables, salon de réception, vestibule, vestiaire, salle de bains, douches, chambres meublées, garage pour automobiles, chambre noire pour la photographie, etc., sont autant de preuves de confort et d’adaptation au monde contemporain. Jean-Louis Chivert conserve des prix modérés malgré ces investissements coûteux. Il propose aussi des prestations cuisinières à domicile dans tout le département pour noces ou banquets. Le restaurant est racheté en octobre 1912 par Gabriel Sibiril, ex-chef cuisinier de l’hôtel Beau-Site de Lausanne qui annonce avoir transformé la maison pour en faire le meilleur établissent de la région.

Les Chivert de la rue de Lyon auront deux enfants : Paul Louis en 1899 qui sera restaurateur et Gaston Louis en 1903. Le père Chivert décède chez son fils le 24 août 1914.

 

Louis Delallier

 

*Nom modifié en Chevert par jugements du tribunal civil de Moulins des 13 avril 1921, 6 octobre 1931 et 31 janvier 1959, ceci pour éviter les plaisanteries douteuses.

 

**Magistrat, historien, folkloriste bourbonnais, né à Hérisson en 1893 et mort à Ygrande en 1983.

 

*** Avec Isabelle Averot, sans profession, rue des Couteliers, née à Moulins en 1872, fille de Jean Averot cordonnier et d’Anne Voisin.

Une particularité est à noter ce jour-là, 11 janvier 1898 : Marie-Louise Simon, épouse Mathiaux, marchande de bimbeloterie, avenue de la Gare, 43 ans, est la première femme témoin d’un mariage à Moulins depuis la promulgation de la loi du 7 décembre précédent autorisant les femmes à témoigner lors d’actes d’état-civil. Madame Mathiaux est la tante maternelle par alliance de Jean-Louis. L’autre témoin est Jules, musicien à la Garde républicaine à Paris.

 

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