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Le grenier de mon Moulins

Histoire de Moulins (Allier) et anecdotes anciennes

Juin 1902 : The Royal Vio fait un tabac à Moulins

Publié le 31 Janvier 2021 par Louisdelallier in Spectacles

Vue du diable au couvent de Georges Méliès

Vue du diable au couvent de Georges Méliès

Le Royal Viograph, cinématographe ambulant, porte un nom américain, ce qui était déjà « tendance ». D’autres appellations sont inspirées des États-Unis comme le « Royal Viograph américain », le « grand cinéma américain », le « Royal Star », etc. Il s’agit sans doute de signifier la démesure, l’exceptionnalité du procédé qu’on n’hésite pas à comparer au gigantisme du cirque Barnum. Les images diffusées ont été prises parfois au prix de gros risques sur des champs de batailles ou encore auprès d’animaux dangereux.

Dans chaque ville-étape, les spectateurs peuvent voir de courts films accompagnés d’une musique censée correspondre au sujet projeté. Le propriétaire doit faire suivre du matériel pour produire les bruitages depuis les coulisses à côté de l’orchestre qui, à l’occasion, reproduit quelques sons.  On s’extasie sur leur « perfection absolue ». Mais il arrive qu’on recoure à des enfants en échange de la gratuité des séances. Leur amateurisme et leur énergie ne sont ni gages de ressemblance ni de synchronisation avec les images. Le métier de bruiteur est ouvert à tous sans connaissances particulières. Par exemple, un jeune homme a fait passer une demande d’emploi comme électricien ou bruiteur de coulisse dans un cinématographe. Les trépidations habituelles dans ce type de spectacle ont quasiment été supprimées grâce à une installation électrique avec courant continu spécifique au Royal Vio.  Les vues sont plus nettes et plus lumineuses.

Le Royal Vio arrive au théâtre municipal de Moulins, le samedi 14 juin où, à 20h 30, les autorités et à la presse locale ont été conviées à une représentation de gala en trois parties d’une durée approximative totale de deux heures. On s’accorde pour trouver du relief, des mouvements parfaits, du réalisme. Voici le programme :

Première partie

La loupe de grand-maman - Une foire à New-York - La fête des fleurs à l’exposition et les pompiers américains (1er prix au concours de Paris) - Les deux vieux beaux (comique) - La danse du feu (féérie en couleurs) - Sauvetage extraordinaire (comique)

Deuxième partie

A travers la Chine et épisodes de la dernière guerre - Luttes terribles (comique) - Les dernières cartouches (en couleur) - Trois minutes à Londres - Le disloqué (scène fantastique) - Le pêcheur récalcitrant - Arrivée du président Krüger à Marseille et le même sur les boulevards à Paris - Le prince, le sorcier, le bon génie (féérie en couleur) - La fée aux choux (en couleurs) - Laissez-moi rêver (comique)

Troisième partie

Jeanne d’Arc, pièce à grand spectacle en douze tableaux - La belle Otéro dans ses danses andalouses (tableau en couleur) - Course pédestre (rallye-paper hunt couru à New-York le 15 septembre 1901) - Suicide d’un alcoolique - Le ballon dirigeable le « Santos Dumont » - Après un bon repas ; rentrée mouvementée - Le tsar en France : revue navale de Dunkerque, revue de Bétheny, le cortège.

 

La deuxième représentation, le dimanche 15 juin, est tout public. On se presse en foule à la matinée réservée aux familles. A 20h 30, la direction doit refuser du monde. Une demi-heure après, la file d’attente n’est toujours pas résorbée.

Après une journée de relâche, le spectacle reprend en soirée et, le jeudi, jour de congé scolaire, à 15h 30 et 20h 30.

 

Le vendredi 20 juin, un programme tout nouveau est à l’affiche :

Première partie

Voyage en mer de Calais à Douvres - Une tasse de thé - Meunier et charbonnier - L’homme aux têtes - Boxe américaine - Le chevalier mystère (féérie en couleur) - Dans un hôtel à Paris - Chasse à l’homme sur les toits - Excelsior (grand ballet du palais de cristal)

Deuxième partie

Une fabrique de saucissons - Bataille de femmes - Les Kremos (acrobates) - Les sept péchés capitaux (féérie en couleur) - Episodes de la guerre de Cuba - Chapeau récalcitrant - Méphistophélès (féérie du Châtelet en couleur) - Une femme en Normandie - Ce que je vois dans mon télescope

Troisième partie

Grande corrida de toros - A Charenton - Incendie des docks à New-York - Grande cavalcade du cirque Sanger - Mon oncle - Le livre magique (pantomime en couleur) - Les désagréments du voyage de noces - Grande chasse au cerf - La cigale et la fourmi (fable vécue) - André au pôle nord - Le bain du chien - Fregoli, le transformiste, à l’Olympia à Paris

A chaque fois, la salle est comble. Les applaudissements sont à la mesure de l’enthousiasme. Comment peut-on arriver à reproduire la nature avec plus d’art et d’ingéniosité ? A-t-on jamais vu pareille précision ?

 

Le lundi 23 juin, on propose encore de l’inédit pour la dernière soirée moulinoise avant le départ du Royal Vio pour Montluçon :

Dressage des éléphants par le professeur Félix - Miracles du Brahmine conte hindou tiré des Mille et une nuits - Ascension au sommet de la tour Eiffel, montée et descente - Le Diamant noir, voyage ferroviaire de 126 km entre New-York et Chicago - Le diable au couvent de Georges Méliès, féérie à grand spectacle qui a fait courir tout Paris au Châtelet.

Partout, les représentations font le plein et suscitent l’admiration. Grâce à ces entrepreneurs ingénieux, le monde était à la portée de nos ancêtres qui, le temps d’une soirée, pouvaient voyager, s’émouvoir, s’amuser, s’instruire avant de retourner, à leur quotidien routinier et leur environnement restreint.

 

Louis Delallier

 

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