Le Secours national créé au début de la Première guerre mondiale est remis en activité au début de la Seconde. Il doit organiser l’aide aux populations durement éprouvées par la guerre. Le 4 octobre 1940, une loi le place sous l'autorité du maréchal Pétain. Le Secours national reçoit alors la charge de coordonner l’activité des œuvres privées (près de 2 000) qui lui sont affiliées. Des collectes d’objets de première nécessité sont mises en place, des centres d’entraide sont ouverts qu’il faut financer. Pour cela, il est indispensable que les gens aient confiance en leur chef d’Etat qui vient de sauver leur pays selon le discours officiel. Le maréchal Pétain doit être identifié par tous. Le pouvoir doit avoir un visage. Jamais encore, on avait utilisé le portrait d’un dirigeant comme propagande.
C’est ainsi que, pour récupérer de l’argent, le Secours national propose à la vente des portraits du maréchal Pétain. Le choix est possible entre cinq versions (cinq francs l’unité) au bas desquelles est écrite une formule patriotique signée du maréchal.
Je fais à la France le don de ma personne.
Je hais les mensonges qui vous ont fait tant de mal.
La patience est peut-être aujourd’hui la forme la plus nécessaire du courage.
J’ai été avec vous dans les jours glorieux. Je reste avec vous dans les jours sombres. Soyez à mes côtés.
Suivez-moi. Gardez votre confiance en la France éternelle.
L’organisation de la propagande est remarquable. Les facteurs, receveurs, gérants des agences postales reçoivent un « kit » comprenant des tracts reproduisant en réduction les cinq portraits, des affiches publicitaires, des collections de spécimens des portraits du Maréchal sous chemise spéciale de propagande. Les commerçants et les concierges doivent apposer les affiches bien en vue. Dès la mi-février 1941, les facteurs deviennent des propagandistes contraints. Ils présentent des reproductions des portraits et prennent les commandes. L’argent récolté servira à atténuer les misères des Français. Les 18 500 facteurs qui parcourent toute la France arrivent à toucher la moitié de la population. Les commandes sont livrées protégées dans des rouleaux en carton.
A Moulins, le Secours national informe tous les commerçants moulinois qu’il tient à leur disposition un important stock de portraits du Maréchal Pétain au prix de cinq francs le petit format et dix francs le grand format. Il est possible de se rendre à la maison du Secours national, 43 rue de Paris, entre 9 et 11 heures ou entre 14h 30 et 17 heures. Il est fait appel au patriotisme des commerçants pour que chaque foyer puisse mettre à la place d’honneur le portrait du Maréchal. On sait que la ville de Paris en achètera 1 368 000, celle de Rouen 175 000 et la Gironde 173 000.
Pour contribuer à répandre la bonne image, le portrait de Pétain se retrouve dans les vitrines, sur des assiettes, des cahiers, des baromètres, des mouchoirs et des timbres.
Le 17 mai 1941, la vente de cartes postales à l’effigie du Maréchal Pétain a rapporté 25 000 francs dont la moitié est remise au Comité départemental d’assistance aux prisonniers de guerre de l’Allier.
Pour compléter le tableau, le Conseil municipal de Moulins réuni le 13 juillet 1941 décide d’acheter deux exemplaires du nouveau portrait du Maréchal gravé au burin par Pierre Gandon, prix de Rome. Le tirage de luxe sur parchemin est au prix de 1 500 francs. L’édition nationale sur papier de Chine est vendue 250 francs. La Mairie reçoit son édition sur papier de Chine en août avec la dédicace suivante :
« A la ville de Moulins, pour tout ce qu’elle a fait en faveur de nos prisonniers et de leurs familles, merci ».
Cet exemplaire porte les cachets du Comité d’assistance aux prisonniers de guerre et de la famille du prisonnier pour lequel ce tirage a été effectué.
Louis Delallier