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Le grenier de mon Moulins

Histoire de Moulins (Allier) et anecdotes anciennes

Juillet 1941, une originale manière de résister

Publié le 18 Juillet 2020 par Louisdelallier in Guerre 39-45

Juillet 1941, une originale manière de résister

Voici l’avis d’obsèques que les lecteurs du quotidien Paris-Centre, édition de Moulins comprise, ont pu lire le samedi 19 juillet 1941.

Saxi-Bourdon

Brinon-sur-Beuvron

Vous êtes priés d’assister aux convoi, service et enterrement de

Mme Adèle Gertrude Victoire Thléry

veuve en premières noces

de M. Guillaume Lempereur

décédée accidentellement à la Ruée, commune de Saxi-Bourdon,

qui auront lieu le 20 juillet à 14 h (heure allemande) en l’église de Saxi-Bourdon.

La levée de corps se fera à la maison mortuaire à 13h 45 et l’inhumation vers 17 h au cimetière de Brinon-sur-Beuvron.

De la part de M. Thléry, son mari et des familles Massacrier, Lempereur, Landarre et Crevet, ainsi que des familles alliées Paris et Cendres.

Ni fleurs, ni couronnes.

Le service de censure du Dr Becker n’a pas su lire entre les lignes. L’expéditeur s’était simplement fait passer pour un nommé Massacrier*, correspondant de Paris-Centre à Saxi-Bourdon. L’affaire a fait grand bruit dans ce village de la Nièvre. Plusieurs personnes sont inquiétées notamment le commandant Martin, gaulliste notoire, et le curé, Pierre Jounet, que les Allemands accusent de n’avoir pas signalé à la Kommandantur qu’aucun enterrement au nom de Théry n’était prévu ce jour-là… Le pharmacien Thévenard est soupçonné à son tour et interrogé à l’hôtel de police. Mais la perquisition chez lui et dans son officine ne fournit aucune preuve. L’enquête reste sans résultat. Faute de coupable, l’employé allemand n’ayant pas détecté la provocation est fusillé et le correcteur du journal est emprisonné.

 

Explication de texte :

Tlhéry = Hitler

Massacrier = massacreurs

Lempereur = Guillaume II

Landarre = Darlan

Crevet = crevés.

 

Jean Locquin qui fut adjoint au maire de Nevers raconte ce fait curieux dans ses souvenirs tout comme le docteur Raymond Chanel (1908-1999) dans « Un médecin en enfer » (propos recueillis par Michel Chrestien) paru en 1970.

L’auteur de cette mystification l’a localisée dans deux villages de la Nièvre qui ont en commun de s’être appelés Saxi-les-Allemands** et Brinon-les-Allemands***. Peut-être s’agit-il de représailles ciblées à cause de cette adjonction qui, en réalité, ne serait qu’une déformation de « les Alamans », peuple qui séjourna dans la région.

 

Louis Delallier

 

*Identité très plausible car ce nom est porté par une famille de négociants à Saxi-Bourdon en 1936. Le village comptait alors 586 habitants.

** « Le déjeuner de la Croix-de-Vernuche », Colonel Rémy, 1968 : « Par ailleurs, chacun sait à Nevers que la commune de Saxi-Bourdon s’appelait naguère Saxi-les-Allemands. »

*** Georges de Soultrait, dans son « Dictionnaire topographique du département de la Nièvre » (1865), mentionne que le nom de Brinon-les-Allemands a subsisté jusqu'en 1898 avant de prendre son nom actuel.

 

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