La ville de Moulins met les petits plats dans les grands. On attend un hôte de marque en la personne du ministre des pensions, André Maginot. Il n’est pas encore ministre de la guerre et n’a pas encore fait construire, le long de nos frontières de la Belgique à l’Italie, la fameuse ligne de fortifications. Cette ligne réputée infranchissable sera contournée par l’armée allemande en 1940.
Nous n’en sommes pas là. Trois jours de fête se préparent pour honorer les soldats de la première et encore seule guerre mondiale. Depuis quelque temps, une souscription ouverte par le comité des fêtes pour offrir un drapeau aux mutilés de guerre. MM. Papougnol magasin de la compagnie du gaz 1 rue Paul-Bert, Vidard, marchand de bois et charbons rue de Lyon, Loizel brasseur à La Madeleine, Dupoux café-buvette rue d’Allier et Grémillon 5 avenue Meunier reçoivent les dons.
Dès le vendredi 18 juin à 20h 30, un concert symphonique est donné sous la direction de Monsieur Belin au kiosque à musique du cours de Russie (actuel cours Anatole France).
Monsieur Maginot descend du train, le lendemain samedi à 15 heures. Il est accompagné du général Malleterre, mutilé tout comme le général Maginot. Le général Malleterre est directeur du musée de l’armée aux Invalides, président de l’association générale des mutilés de guerre. À 20h 30, au théâtre municipal, il fait une conférence sur « le soldat français sauveur du monde » à la suite de laquelle il est ovationné par son auditoire qui, ensuite, écoute La Marseillaise debout. Il faut se rappeler que la terrible guerre est finie depuis moins de deux ans. Pour terminer la soirée, la fanfare d’Yzeure, l’école nationale de musique, la chorale de Moulins, l’amicale des anciens élèves de l’école de la rue Louis-Blanc, des artistes et des amateurs de la ville se produisent dans un concert-spectacle de qualité.
Dimanche 20 juin, à 9 heures, une délégation des mutilés dépose une gerbe au cimetière devant le carré des militaires morts pour la France. Le soleil a percé les nuages et la foule commence à se presser sur les Cours. À 10 heures, Mme Sorrel présidente de l’Union des femmes de France et Madame Moisson remettent le drapeau confectionné par les « dames » du département en présence des troupes de la garnison, des sociétés locales et de la fanfare d’Yzeure. Sur l’estrade élevée à côté du kiosque à musique, sont réunis MM. Maginot, Malleterre, Moisson préfet, Albert Peyronnet, Beaumont et Régnier sénateurs, Charles Perronet, Gaston Vidal, Décloux, Lamoureux, Château et Dorat députés, Buvat maire de Moulins, Perret sous-préfet de Gannat, Tabard-Robert sous-préfet de Lapalisse, Schaeffer sous-préfet de Montluçon, Monseigneur Penon évêque, le vicaire général Deschamp, et le général Steinmeitz.
Puis, c’est le défilé par le cours d’Angleterre (Actuel cours Jean-Jaurès), la rue d’Allier, la place d’Allier jusqu’à la place Garibaldi. Les habitants des maisons du parcours ont pavoisé les fenêtres. En tête de la marche se trouvent les trompettes du 36e d’artillerie, suivies de la section à pied des élèves de l’école de gendarmerie, d’un détachement du 36e, des délégations de toutes les écoles de Moulins (garçons et filles), de la fanfare du pensionnat Saint-Gilles (actuel établissement Saint-Benoît), des anciens combattants de la guerre de 1870-71, de la société de gymnastique la « Bourbonnaise », du Football-club moulinois avec son fanion neuf brodé d’or, de la chorale de Moulins, de la fanfare d’Yzeure, des Vétérans, des veuves de guerre, d’une délégation des mutilés du Cher conduits par le poète berrichon Jean Rameau joueur de vielle, des mutilés, des sociétés d’anciens militaires avec leurs drapeaux, des jeunes gens de la société de tir appartenant à la section de préparation militaire et d’un peloton de gendarmes à cheval. Face à Saint-Gilles, la fanfare du pensionnat joue La Marseillaise et d’autres morceaux devant un nombreux public.
À 12 heures, près de 500 convives s’attablent dans le marché couvert. Monsieur Maginot préside le banquet. On reconnaît à ses côtés le général Malleterre, M. Moisson Préfet, M. le colonel commandant d’armes, M. Buvat maire de Moulins, certains sénateurs et députés du département. Le dessert est le moment privilégié pour écouter attentivement les discours de MM Moisson préfet, Buvat maire, Robert Perrault président des mutilés, Albert Peyronnet sénateur, Marcel Régnier, sénateur, président du conseil général, Gaston Vidal député. M. Maginot s’exprime en dernier et se veut rassurant sur la question des dossiers de pensions qui sont traités aussi vite que possible, soit près de 80 000 par mois. Avec une embauche de personnel supplémentaire, il espère passer à 100 000. Il estime à deux ans et demi, voire trois ans le temps nécessaire pour venir à bout de ce travail.
Pendant que Messieurs Maginot et Malleterre sont reconduits à la gare pour prendre l’express de 15h 50 pour Paris, les gymnastes de La Bourbonnaise et la fanfare d’Yzeure se complètent pour distraire le public. Des exercices aux anneaux, barres parallèles et fixes, saut au tremplin, voltige au cheval, voltige au banc, trapèze à 18, pyramide sont exécutés par les adultes et les pupilles de l’association.
À 21 heures, le marché couvert accueille un bal et un buffet dont l’entrée est fixée à 3 francs pour les hommes et 1 franc pour les femmes. La fanfare d’Yzeure, la fanfare de Saint-Gilles dirigée par M. Brunel et les trompettes du 36e d’artillerie sont à nouveau mobilisées pour une conclusion en beauté de cette grande fête.
Louis Delallier