Jeudi 7 juillet 1892, un cycliste roule tranquillement rue des Six-frères à Moulins sur sa bicyclette à pneus Michelin quand un chien le fait soudainement tomber. L’homme furibond, il s'agit de M. Leriche, mécanicien et marchand de cycles à Moulins, confie son engin à un passant et poursuit le chien jusque dans une maison de la rue des Tanneries. Là, il blesse l’animal à la patte avec un révolver. Aussitôt, un attroupement se crée et l’on plaint le chien aussi injustement agressé. On ne connaît pas la suite donnée à cette affaire.
Mais il se trouve que la veille le tribunal civil du Vigan dans le Gard a confirmé le jugement du juge de paix de Sumène dans le même département. Quelques mois avant, un cycliste a eu la même réaction après avoir été pris en chasse par un chien aboyant de façon menaçant. Le propriétaire du chien atteint à l’épaule par la balle de révolver a porté plainte. Le « véloceman » a été condamné à lui verser 50 francs de dommages et intérêts. Il est considéré que les chiens ont l’instinct de courir derrière des cyclistes et que cela n’autorise pas ces derniers à leur tirer dessus car leur extermination serait alors rapide ! On préconise que ceux qui veulent se déplacer à vélo doivent se munir d’une cravache. Seule la légitime défense, démontrée, pourrait justifier un tel acte.
En 1891, Herbert Osbaldeston Duncan vélocipédiste anglais, champion du monde 1885-1886, champion de France entre autres, fondateur et directeur du journal le Veloceman écrivait que le chien français est la terreur, l’ennemi des vélocipédistes. « French dogs are devils ! » (Les chiens français sont des diables !) . Il ajoutait qu’en Angleterre c’est le maître du chien qui serait condamné à une forte amende.
Toutefois, un jugement du 15 décembre 1892 condamne à 50 francs de dommages et intérêts un habitant de Saint-Denis-sur-Loire dont le chien a pourchassé et fait tomber, au mois de septembre précédent, Henri Coullibeuf, champion cycliste bien connu alors (voir article à son sujet), qui circulait à bicyclette de Blois à Vendôme. Il a été reconnu que le vélo de Coullibeuf, même réparé, n’avait plus la même valeur. Coullibeuf avait, de plus, eu un genou abîmé et le responsable du chien n’avait manifesté aucune intention de retenir son animal.
Louis Delallier