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Le grenier de mon Moulins

Histoire de Moulins (Allier) et anecdotes anciennes

Louis Terrasse, l’artiste qui a miniaturisé quelques bâtiments de Moulins

Publié le 18 Janvier 2017 par Louisdelallier in Portraits

Louis Terrasse, l’artiste qui a miniaturisé quelques bâtiments de Moulins

Dans les années 1880, Moulins a abrité un artiste qui y a trouvé des sujets dignes de son talent.

Il s’agit de Louis Terrasse, né à Viverols dans le Puy-de-Dôme, le 26 décembre 1860. Il est l’avant-dernier d’une famille de 7 enfants. Son père est cordonnier. L’enfant garde des chèvres et s’occupe en travaillant le bois avec son couteau. Le soir, il continue à la lueur du feu de bois et s’exerce à reproduire les maisons du village. A 11 ans, il s’inspire de la couverture de l’un de ses cahiers pour reproduire, en 2 564 pièces, l’hôtel des Invalides en écorce de pin. Il est remarqué par un sculpteur parisien de passage qui propose de le faire entrer aux Beaux-Arts. Mais c’est un refus maternel net parce que Louis manquerait à la maison. Elle aurait dit « Là où est la chèvre il faut qu’elle broute » !

Le 11 novembre 1881, il est incorporé au 7e régiment de chasseurs à Moulins. Il est nommé brigadier le 30 décembre 1883 et maréchal des logis le 29 avril 1885. En 1889, il est toujours à Moulins, rue de Paris, employé à l’internat du lycée Banville.

Durant tout ce temps, il n’a pas abandonné sa passion du bois. Il exécute le quartier de cavalerie du quartier Villars en plus de 2 500 pièces (médaille de bronze à l’exposition moulinoise de 1885). Ensuite, prennent forme Jacquemart en écorce de pin et le lycée Banville dont les grilles sont faites d’aiguilles. En 1896, Louis réalise la cathédrale de Moulins en 4 523 pièces (ébène, marronnier des îles et cèdre d’Amérique) considérée comme son chef d’œuvre. Elle mesure 70 cm de haut et on peut y distinguer chaque gargouille, chaque balustre. Ce phénoménal travail de patience et de minutie à la lime et au couteau lui aura pris six ans, Pour sa future femme, Antoinette, rencontrée à Moulins, il réalise un coffret à bijoux à sept tiroirs figurant le théâtre.

Après son séjour moulinois, il s’installe à Vichy où il a acquis le «cabaret des roses». Mais il fait partie des « arnaqués » des emprunts russes et doit rentrer au pays. Il trouve à s’y employer comme garde-champêtre. Fort heureusement, ces péripéties financières ne l’ont pas empêché de poursuivre son œuvre. Il s’est tourné vers la reproduction de tableaux en marqueterie. Il prépare lui-même la matière avec des coquilles d’huîtres, des boutons de guêtre, boules de billard, manches d’ombrelles, etc., qu’il découpe en petits morceaux avant de les travailler à la lime et à la scie. Les nuances de couleurs lui permettent de suggérer les différentes heures de la journée.  

Il produit ainsi, entre autres, toujours après des années de travail :

Napoléon passant les Alpes* d’après David (planche de 30 cm sur 35, marbre, nacre et ivoire, lime et burin, 5 kg, salon d’automne de 1908 grâce à l’encouragement du sculpteur Moreau de passage à Vichy)

Napoléon blessé devant Ratisbonne d’après Gautherot (planche de 47 cm sur 37, 755 pièces pesant 9 kg),

La Bataille de Rivoli* (1 112 pièces pesant 9 kg – salon des Artistes français de 1910) d’après Philippoteaux,

sous lesquels il indique « chef-d’œuvre de patience » en notant le temps passé (deux ans pour chacun). L’Aga-Khan lui aurait proposé 100 000 francs pour sa plus lourde réalisation qu’il aurait refusé pour ne pas laisser sortir ses œuvres de France.

Inquiet de la ruine en cours du château de son village natal, il décide de préserver son souvenir en trois dimensions en se documentant et en s’appuyant sur la mémoire des anciens. Il achève cette nouvelle œuvre sculptée au couteau dans du noyer en 1919 et se met à la reproduction de la chapelle des Pénitents dont il fut le recteur. Le fruit de son travail est exposé dans le musée qu’il a créé chez lui. Autodidacte discret, il préfère cultiver son jardin fleuri de clématites et agrémenté de quelques-unes ses œuvres comme un Laocoon en bois découpé que de rechercher la notoriété.

Un reportage lui est consacré dans un numéro de l’Intransigeant du 2 juin 1926 ainsi qu’un long article dans l’Auvergnat de Paris du 4 juin 1932 pour ne citer que ceux-là. On y apprend que les palmes académiques lui ont été attribuées pour sa reproduction du Lycée Banville de Moulins. Henri Pourrat lui consacre des pages dans son roman « La ligne verte » sorti en 1929. Louis Terrasse meurt en 1938 à Viverols en léguant à sa commune ses œuvres, témoignages élégants de l’art populaire.

 

Louis Delallier

 

*Exposés en septembre 1910 dans la vitrine du magasin de chaussures Pierre au 42 rue d’Allier.

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