L’anniversaire de la Révolution française est célébré à partir de 1880, chaque 14 juillet. Mais en cette année du centenaire, c’est le 5 mai qui est choisi, date également symbolique puisqu’elle correspond à l’ouverture des états généraux à Versailles.
La municipalité moulinoise se joint aux célébrations nationales qui ont lieu partout en France en organisant sa propre fête. Un crédit de 5000 francs est alloué pour l’occasion. Le maire, monsieur Ville, fait coller des affiches annonçant les réjouissances et rappelant les bienfaits de la Révolution pour inviter les habitants à participer nombreux.
Dans les jours précédents, on peut constater que les préparatifs vont bon train. Des drapeaux et un arc de triomphe agrémentent la place d’Allier. Les commerces arborent écussons, drapeaux, lampions. Et la façade de la préfecture, elle-même, se « pare » de tuyaux de gaz pour un éclairage inédit.
Samedi 4 mai, la journée commence dès 9 heures par une distribution extraordinaire aux indigents. La retraite aux flambeaux de 20 heures attire beaucoup de monde. La troupe et des sociétés locales en sont partie prenante. On note le manque d’enthousiasme de la foule malgré le tapage de quelques personnes déchainées en tête de défilé qui crient plus qu’elles ne chantent la Marseillaise et surtout qui s’égosillent en reprenant « Les pioupious d’Auvergne* » dont le refrain est le suivant :
Quand les pioupious d’Auvergne iront en guerre
Le canon tonn’ra
Pour sûr on dans’ra
On trem’ra la soup’ dans la grand’ soupière
Car faudra manger
On n’ se pass’ra pas d’Boulanger
On regrette aussi que la municipalité et des particuliers s’amusent à faire exploser des sortes de bombes très bruyantes et dont les étincelles aveuglent quelques instants plusieurs personnes dans la rue Bréchimbault. C’est un commerçant qui est responsable de cette ânerie juste devant son magasin.
L’après-midi et la soirée du lendemain dimanche sont consacrés à la suite des manifestations. Le mât de cocagne dressé place de la Liberté permet à la jeunesse de rivaliser d’agilité pour décrocher l’un des trois prix. Place aux Foires (actuelle place Jean-Moulin), ce sont les jeux du tourniquet et du polichinelle qui offrent chacun trois prix.
Pour les adultes, une conférence publique sur les causes de la Révolution est donnée au théâtre à 15 heures. Elle est précédée d’une brève intervention du maire et de la lecture d’un discours par le préfet. S’en suivent des concerts de la Lyre moulinoise, place d’Allier à 16 heures et cours de la préfecture à 19h30. Malheureusement vers 20 heures, un orage accompagné d’une pluie torrentielle chasse les auditeurs comme les musiciens. Les illuminations s’éteignent et le cours déserté est plongé dans le noir.
Une accalmie une heure plus tard fait ressortir la population qui gagne le marché couvert pour le grand bal populaire aux 25 musiciens. L’affluence est telle qu’il est impossible de danser pendant près de deux heures. Enfin, vers 23 heures de la place se libère et chacun peut tournoyer à sa guise jusqu’à 3 heures du matin.
Le bilan de cet anniversaire est mitigé également chez les boutiquiers qui, hormis ceux de la place d’Allier et de ses proches environs, n’ont pas tiré profit de l’augmentation notable du nombre des chalands dans les rues. Ils le regrettent d’autant plus qu’ils espéraient une éclaircie dans une période de marasme des affaires.
Louis Delallier
* Les Pioupious d'Auvergne est une chanson-marche créée par Paul Bourgès à l'Eldorado et au Concert Parisien dont les paroles et la musique sont d’Antonin Louis. Cette chanson est dédiée au patriote Boulanger. Ce général fut, de 1886 à 1887, un ministre de la guerre aux réformes populaires, mais au discours va-t-en guerre inquiétant le gouvernement d’alors. Le boulangisme (1886-1889) aura constitué une menace pour la IIIème République. Georges Boulanger se suicide en 1891 sur la tombe de sa maîtresse.