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Le grenier de mon Moulins

Histoire de Moulins (Allier) et anecdotes anciennes

L’atelier de chargement et ses morts ordinaires : avril 1917

Publié le 14 Juillet 2018 par Louisdelallier in Guerre 14-18, Portraits

Photos Louis Delallier
Photos Louis Delallier

Photos Louis Delallier

Depuis le 22 février 1916, l’atelier de chargement de Moulins-Yzeure, rue des Epoux-Contoux, fonctionne pour fournir des obus aux soldats du front. En février 1918, on dénombre 8 348 personnes civiles et militaires (Français, Italiens, Nord-Africains et Indochinois) dont 1 577 femmes qui travaillent dans des conditions difficiles et dangereuses. Deux équipes se relèvent jour et nuit (6 heures à 17 heures et de 17 heures à 3 heures) dans les émanations de vernis, de poudre et autres produits terriblement nuisibles pour la santé. La production atteindra 50 000 obus journaliers.

Ce jeudi 12 avril 1917 se passe normalement jusqu’à 20 heures, heure fatale pour Catherine Ducher-Allègre et Maria Fafournoux-Mallat. Elles sont occupées à une opération complémentaire de chargement dont la pose d’une goupille sur un obus de 37 mm quand celui-ci explose en les tuant net.

La première, âgée de 44 ans, était originaire de Coussac-Bonneval en Haute-Vienne et la deuxième, veuve, âgée de 39 ans, venait d’Olmet dans le Puy-de-Dôme.

Ces deux morts « ordinaires » dans un contexte de conflit meurtrier au-delà de l’entendement font toutefois l’objet d’obsèques dignement organisées le dimanche suivant. Après la cérémonie religieuse dans la chapelle de l’hôpital Saint-Joseph, trop petite pour contenir tout le monde, les dépouilles des ouvrières sont conduites au cimetière dans deux corbillards où les cercueils sont ornés de drapeaux et de couronnes.                                        

Leurs parents sont entourés du lieutenant-colonel Prangey, directeur de l’atelier de chargement et d’une délégation militaire. Au cimetière, le discours du directeur est empreint d’une emphase toute guerrière :

  « Mme Allègre et Mme Mallat sont des victimes de la féroce ambition de l’impérialisme allemand. Nous conserverons le souvenir de leur mort, dans nos cours, avec celui des atrocités subies par les martyrs des provinces envahies… »

« … Je m‘incline une dernière fois devant vous et je vous salue respectueusement au nom du ministre en mon nom et au nom de tout le personnel de l’atelier de chargement. Nous vous avons fait des funérailles de soldats et la municipalité de Moulins a voulu que vous reposiez au milieu des morts de la guerre* : c’était justice car vous êtes mortes en soldats, pour la Patrie ! »

Elles ne seront pas les seules à mourir à cet endroit pour la folie des hommes. L’explosion dans la nuit du 2 au 3 février 1918 fera 32 morts et 200 blessés (voir mon article sur cette explosion). D’autres accidents moins spectaculaires quant au nombre des victimes se produiront au cours des années. En juin 1945 encore, un bal sera organisé au profit des victimes de l’atelier de chargement.

 

Aujourd’hui, on y trouve la 13ème BSMAT (Base de soutien du matériel) de l’armée.

 

Louis Delallier

 

*Leurs tombes sont effectivement dans l’un des carrés militaires du cimetière de Moulins.

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