Qui connaît encore « La cage aux souris » film dont le tournage a fait grand bruit à Moulins en juillet 1954 ? Réalisé par Jean Gourguet (Sète 1902 - Paris 1994), il réunit quelques vedettes de l’époque comme Dany Carrel ou Raymond Bussières.
Son choix pour les séquences extérieures s’est porté sur Moulins. Jusque-là il n’y aurait pas de quoi fouetter un chat si l’histoire ne se déroulait pas sous l’occupation1. En effet, le lundi 26 juillet au matin, des Moulinois non avertis ont l’impression que le cauchemar reprend. Des soldats allemands tiennent l’entrée de la ville au pont Régemortes et arrêtent des personnes qui sont aussitôt dirigées vers la Mal-Coiffée de sinistre mémoire. D’autres sont postés au pont des Bataillots armés jusqu’aux dents. L’un d’entre eux monte la garde sur les marches de l’hôtel de ville. Les passants sont heureusement vite détrompés et ont tout le loisir d’observer la reconstitution cinématographique de cette sombre période encore très présente dans leurs souvenirs.
Le réalisateur qui avait l’intention de faire hisser un drapeau à croix gammée sur l’hôtel de ville et sur Jacquemart se voit opposer un refus catégorique et épidermique du maire de Moulins, Maurice Tinland : « j’ai dit non, non et non ». On comprend que Maurice Tinland, torturé à la Mal-Coiffée, ne puisse supporter de pousser le réalisme aussi loin. Et c’est le drapeau français qui flotte toute la journée, à charge pour les techniciens de faire preuve d’astuce pour le dissimuler au montage.
Les trois jours de tournage déclenchent quelques incidents mineurs. Un figurant en vert-de-gris qui boit un verre dans un café entre deux scènes est insulté par un autre client. Le calme revient rapidement. Un jeune garçon envoyé par sa mère à la boulangerie ne veut pas y aller parce que les Allemands sont là !
Parmi les figurants, on reconnaît monsieur Pion et Robert Dutordoir, directeur sportif de l’Entente athlétique moulinoise.
L’histoire de la cage aux souris moulinoises ne se termine pas là. Une grande première mondiale2 est organisée le lundi 4 octobre au cinéma Le Colisée, cours Anatole-France, par son propriétaire monsieur Florentin, ami de Jean Gourguet. Une majoration de 100 francs par place sera reversée au foyer des vieux de la ville. On attend avec impatience Raymond Bussières, Dany Carrel, Maryse Martin et Annie Villiers, acteurs, José Cana, l’auteur de la chanson du film « Je sais que tu reviendras » et Fabia Gringor, chanteuse. L’hôtel de Paris est, bien entendu, leur point de chute. Un repas y réunit Parisiens et sommités locales.
Les 500 spectateurs dont Maurice Tinland et Jean Ghisolfi, préfet de l’Allier, entrent dans un Colisée fleuri avec profusion pour une soirée préparée dans le détail et abondante. Le réalisateur introduit la projection de son œuvre par des explications sur l’écriture du scénario, sur son choix de ville, sur le tournage. A l’entracte, Maryse Martin reçoit des applaudissements nourris pour sa verve dans « Le jo du clocher » déclamé en patois. Raymond Bussières, lui, y va de ses anecdotes humoristiques avant que Fabia Gringor n’interprète la chanson phare du film, accompagnée au piano par son auteur José Cana. Un vin d’honneur offert par la maison Moët et Chandon est l’occasion pour les anonymes de faire dédicacer leurs programmes.
« La cage aux souris » restant à l’écran pendant une semaine, Monsieur Florentin invite gratuitement une quarantaine de « vieux » du foyer à assister à la projection le jeudi après-midi. Cinéma et charité ont fait bon ménage.
Louis Delallier
1 Pendant l'Occupation, une directrice remplaçante et collaboratrice prend la tête d’un pensionnat du nord de la France replié à Moulins. Le hasard y fait arriver trois jeunes prisonniers évadés Michel, Arthur et Franck dont le seul objectif est de traverser la ligne de démarcation au pont Régemortes. Manouche, Jo et La Tigresse, pensionnaires, vont se démener pour leur venir en aide. Une surveillante leur permet de contacter des résistants qui parviendront à sauver les trois hommes grâce à une révolte mise en scène par des élèves (les « souris »). Manouche, amoureuse de Michel, espère bien le retrouver dès que possible.
Michel : Michel François - Arthur : Raymond Bussières - Franck : Yves Massard - Manouche : Dany Carrel - La directrice : Solange Sicard - Salade : Dora Doll - Crapaud : Annie Villiers - Roquet : Maryse Martin.
La quarantaine de « souris » âgées de 4 à 20 ans ont été sélectionnées au cours d’un tournoi de 500 candidates.
2 Une autre première mondiale a déjà eu lieu à Moulins avec la présentation de « Caroline chérie » au théâtre municipal.