Une carte ancienne de l’Allier à Moulins situe l’île maquerelle* (alors dénommée macrelle) à peu près à hauteur de l’hippodrome. Mais, de vieux Moulinois se la rappellent plutôt du côté du stade nautique actuel avec un accès à pied sec (cf plan ci-dessus).
Autrefois, c’était un endroit habité et même industrieux. Quand la navigation allait bon train sur l’Allier, on y trouvait des ateliers de charpentiers pour la construction de bateaux. C’est de là que partait le bac destiné à relier les deux rives après l’anéantissement des ponts successifs emportés par les crues. Les tarifs municipaux détaillés de 1752 montrent son impérieuse nécessité pour assurer une continuité dans les échanges humains et commerciaux entre les deux parties de la ville.
Homme à pied : 6 deniers - Homme à cheval : 1 sol
Cheval chargé : 1 sol - Cheval sans charge : 6 deniers
Carrosse à 2 chevaux : 8 sols - Carrosse à 4 chevaux : 12 sols
Carrosse à 6 chevaux : 16 sols - Chaise à 1 cheval, hommes compris : 3 sols et 6 deniers
Litière avec homme, le muletier ou le conducteur : 6 sols
Charrette chargée à 1 cheval, conducteur compris : 3 sols
Charrette chargée à 2 chevaux ou 2 bœufs : 4 sols et 6 deniers
Charrette vide : 3 sols et 6 deniers - Charrette chargée à 4 bœufs : 5 sols
Pour chaque mouton, brebis, chèvre, cochon : 3 deniers.
A partir de 1763, le solide et durable pont Régemortes assure enfin une liaison pratique et rapide au détriment du bac bien entendu.
La Revue générale botanique de 1908 retrace la transformation progressive de l’île Maquerelle. D’abord couverte de taillis avec clairières sablonneuses, l’île a été nivelée, bâtie et une partie a été convertie en jardin. Sa très riche flore permettait d’observer quelques plantes montagnardes apportées par les crues qui repoussaient chaque année tant bien que mal.
L’annuaire de l’Allier de 1898 montre que l'île reste animée car la blanchisserie Tort y est établie. En 1910, quatre occupants y sont répertoriés : C. Dousson, blanchisseur, F. Souillat blanchisseur, Jean-Eugène Tort, et Lacroix, journalier. Cela confirme que l’endroit, bordé d’eau courante et abondante une bonne partie de l’année, est bien adapté au fonctionnement de plusieurs blanchisseries. En 1928, en dehors de messieurs Dousson et Tort (alors boucher) que nous connaissons déjà, y exercent messieurs Bergerate, blanchisseur, Dupachon, sabotier et Clame, laitier.
Au fil des années, l’île est parfois citée dans les journaux à l’occasion d’un événement quelconque. Cela permet de recueillir des informations à son sujet, mais trop minces pour se faire une véritable idée de ce qu’elle était au siècle dernier et de la petite activité économique qu’elle générait encore :
En mai 1897, B. un blanchisseur, qui habite l’île, vole une grande partie de la luzerne fauchée dans le champ Deligne au milieu de l’île. On retrouve facilement sa trace grâce aux brins d’herbe tombés çà et là sur le chemin menant la cabane de B. Sûr de son fait, il assure que la luzerne découverte chez lui provient de son champ de Bressolles. Seulement, il est vite démontré qu’il ne possède aucun champ…
Le 11 novembre 1912, M. Betz, entrepreneur de la place aux Foires, découvre que son dépôt, sur l’île, de matériaux provenant de démolitions avait été dévalisé d’une grande partie de son bois de chêne. Les voleurs ont cassé la clôture et en ont même, par provocation, enlevé la plaque de la société qui est chargé de la surveillance des lieux…
La crue du début juin 1913 (3 mètres au-dessus de l’étiage du pont Régemortes) atteint les jardins de Monsieur Tort et de la ferme Pimin qui sont complètement envahis par les eaux. Le ponton de la société nautique de Moulins, détaché par des inconnus, est emporté jusqu’à l’île Maquerelle (17 avril 1935). Nazaire Delost, garde au pylône de la rue Félix-Mathé et demeurant à l’île Maquerelle signale un suicide (14 juin 1944). Des voleurs s’emparent de 6 kg pommes de terre dans le champ monsieur Dubos (entrepreneur à Yzeure) à l’île Maquerelle (20 août 1949).
Louis Delallier
*À Paris : Le nom de l’île Maquerelle (devenue île aux Cygnes) dérive peut-être de « male » (mauvaise) « querelle » rappelant qu’on s’y battait en duel. On a également avancé qu'il pouvait s'agir d'une contraction de « ma » et de « querelle ». Il est toutefois plus probable que son nom soit dû à un particulier.