Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le grenier de mon Moulins

Histoire de Moulins (Allier) et anecdotes anciennes

Périple nomade à travers le Bourbonnais

Publié le 14 Février 2021 par Louisdelallier

Vincent Van Gogh - Les roulottes, campement de bohémiens - 1888

Vincent Van Gogh - Les roulottes, campement de bohémiens - 1888

Ils parlent couramment l’italien et connaissent des éléments d’autres langues dont le français. On les croit Portugais. Mais on dit que leur langue maternelle est le romané, ce qui en ferait des bohémiens. Personne n’aura véritablement la réponse. De leur côté, ils revendiquent d’être internationaux. Et ils ont à se plaindre des façons du gouvernement français qui les malmène alors qu’ils revendiquent d’avoir contribué à la repopulation de la France après la naissance d’un bébé à Semur-en-Auxois en Côte-d’Or.

À la fin du mois de mars 1927, ils sont 42 à être « invités » par le préfet de la Meuse, soutenu par le ministre de l’intérieur, à regagner le sud-ouest de la France pour passer la frontière espagnole. Cela représente au moins un millier de kilomètres dans leurs carrioles à cheval. Inévitablement, la longue marche épuise les animaux. Les humains, eux, refusent de continuer dans ces conditions. L’Etat se voit contraint de réquisitionner des chevaux appartenant à des particuliers et de fournir des gendarmes qui se relayent tous les 20 km pour assurer le bon déroulement du déplacement.

C’est le lundi 28 mars, vers 14 heures, que la caravane, passée par Decize et Dornes, fait son entrée en Bourbonnais. Le passage de relais entre gendarmeries est effectué à Aurouër, au lieu-dit Vaucoulmin. Moulins est l’étape suivante, précisément la Demi-lune à la Madeleine (actuel rond-point des Martyrs).

Les habitants sont intrigués à la vue de ces cinq roulottes tirées par des camions (prêtés par les municipalités de Trévol et d’Aurouër), encadrées de gendarmes et suivies de chevaux qui avancent, tranquillement, libérés de toute charge.

Après avoir garé leurs véhicules et monté leurs tentes, les voyageurs réclament de quoi dîner. Comme on n’a rien à leur reprocher, on accepte de leur offrir du pain et des boulettes de charcuterie. Mais ils font toutefois remarquer que les communes de Dornes et de Decize ont été plus généreuses en leur donnant de la viande. Il leur faut également du foin pour les bêtes et des fagots pour se chauffer. Une petite mise au point s’avère nécessaire quand femmes et enfants s’en vont chercher quelque monnaie auprès des passants.

Le lendemain matin, nos hôtes annoncent qu’ils se trouvent à leur aise à Moulins où ils ont trouvé à vendre un de leurs chevaux à une boucherie chevaline et, pour gagner leur vie, des chaises à rempailler.

Mais les autorités tiennent à faire respecter l’ordre préfectoral meusien. Pour ce faire, elles promettent un bon déjeuner à Souvigny afin d’inciter l’équipage à reprendre la route sous escorte des gendarmes. C’est chose faite vers 10 heures avec une pompe-automobile et des camions municipaux assurant la traction des roulottes.

La journée entière est nécessaire pour parcourir les 20 km jusqu’à Noyant-Châtillon où la troupe s’installe pour la nuit à la Pierre-percée et où leur sont fournis victuailles, bois et avoine. Les curieux ne manquent pas pour observer l’intéressant et inédit spectacle. Le lendemain matin, les habitants sont un peu moins enclins à l’empathie après avoir constaté la disparition de quelques poules… Les suspects affirment qu’elles ont mal été cherchées et, sans plus d’explications, partent pour le Montet avec chevaux réquisitionnés et maréchaussée.

Au champ de foire du Montet, la troupe passe commande de 10 kg de pain, 3 kg de sucre, 2 kg de café, 15 kg de viande, 50 kg de pommes de terre et du vin.  La municipalité ne lui laisse pas le temps de s’installer et l’expédie à Montmarault à 15 km avec trois timons de voiture et deux camions pour le remorquage dans le but d’éviter toute cohabitation susceptible d’être houleuse avec la population autochtone.

A Chamblet (samedi 2 avril), la brigade de Montmarault prend la succession pour accompagner les « Portugais » jusqu’au lieu-dit « la Correspondance » à Lamaids, limite entre l’Allier et la Creuse où les autorités creusoises sont mobilisées à leur tour.

Les péripéties bourbonnaises s’arrêtent là.

 

Louis Delallier

Commenter cet article