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Le grenier de mon Moulins

Histoire de Moulins (Allier) et anecdotes anciennes

Un voleur et des clous

Publié le 21 Février 2021 par Louisdelallier in Portraits, Faits divers

La Mal-Coiffée (collection L. Delallier)

La Mal-Coiffée (collection L. Delallier)

La journée du samedi 30 octobre 1954 s’annonce très ordinaire à la Mal-Coiffée*. L’après-midi avance dans une relative tranquillité.

Soudain vers 16 heures, l’un des gardiens est alerté par des cris de souffrance qui proviennent de la cellule occupée par un pensionnaire récemment transféré de la prison de Fresnes. Robert S., âgé de 25 ans, doit comparaitre devant le tribunal pour un larcin commis à Bagnolet en Seine-Saint-Denis.

Le jeune homme semble déterminé car il vient d’avaler deux clous de 4 cm pour être dispensé de comparution devant le tribunal correctionnel ou pour prendre l’air. C’est selon ! Il est immédiatement transporté à l’hôpital où le docteur Ollier, constatant son agitation, lui fait prendre du Gardénal. Lorsque Robert est apaisé, on lui fait manger une bonne quantité de coton hydrophile pour enrober les pointes et ainsi atténuer les piqûres internes jusqu’à expulsion de la boule formée. Est-il plus difficile d’avaler des pointes ou du coton ???

En attendant d’être débarrassé de ces corps étrangers, Robert se retrouve quand même le mercredi suivant sur le banc des accusés en compagnie de son frère, Raymond, 19 ans, laissé en liberté. Les deux frères s’accusent mutuellement sans hésitation. Ils sont respectivement défendus par maître Maurice Tinland, avocat moulinois désigné d’office pour pallier l’absence de l’avocat parisien de Robert, et par maître Vernaison.

Robert se dit malade, aussitôt traité de simulateur par son frère. Cela ne l’empêche pas d’affirmer pouvoir se défendre tout seul en montrant un gros dossier dans lequel il fouille à chaque fois que nécessaire. Il s’y reporte notamment pour vérifier la date d’une lettre reçue de son avocat le 5 octobre. Le substitut du procureur s’en étonne, alors que lui-même a prévenu le défenseur le 15 septembre. Robert ne se démonte pas et rétorque « vous mettez en doute la parole d’un avocat ? ». La salle s’amuse !

Robert, questionné par le docteur Villatte, explique son geste par le refus du gardien à qui il demandait d’appeler un médecin pour se faire administrer des calmants et des somnifères. « Je suis un grand nerveux des suites de la guerre ». Il voulait juste aller à l’infirmerie sans avoir vraiment mesuré les conséquences de son geste. Ce n’était donc pas tant la peur du tribunal, où il s’est par ailleurs montré très à l’aise, qui l’a guidé.

Deux jours plus tard, il entame une grève de la faim qui dure jusqu’au 15 novembre, soit dix jours, et dix kilos de moins. Il veut protester énergiquement contre sa condamnation.

Le 26 novembre, il quitte le Bourbonnais pour la prison de Riom avec les intestins toujours encombrés de leur quincaillerie.

 

Louis Delallier

 

* Dernier vestige du château de Moulins devenu prison à la fin du XVIIIe siècle. Grâce à l’ouverture du centre pénitentiaire d'Yzeure en 1984, le donjon renoue avec ses origines. Le Conseil départemental de l'Allier le rachète pour un franc symbolique en 1986 et l’ouvre au public en 2013 après des travaux de sécurisation et plusieurs campagnes de fouilles organisées par son service d’archéologie préventive.

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