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Le grenier de mon Moulins

Histoire de Moulins (Allier) et anecdotes anciennes

Un major héroïque et un legs

Publié le 18 Avril 2021 par Louisdelallier in Portraits

Cours Jean-Jaurès (ancien cours Bérulle) (Photo Louis Delallier)

Cours Jean-Jaurès (ancien cours Bérulle) (Photo Louis Delallier)

Louis Robichon, major de cavalerie à la retraite et décoré de la Légion d’honneur, vivait 7 cours Bérulle (actuel cours Jean-Jaurès - la numérotation n’étant plus la même, la photo ne montre pas sa maison) à Moulins. Il naît à Orléans le 20 juillet 1765 dans une auberge à la Croix-Blanche sur le chemin de la Ferté-Imbault où se rendait sa mère Marie-Françoise, née Gauguin. Huitième enfant de la famille, Louis va faire carrière dans l’armée, bien loin de la profession de jardinier de son père Pierre. Entré au service militaire avec peu d’instruction scolaire (son testament manuscrit le prouve), il conquiert ses grades grâce à sa témérité.

Son dossier de la Légion d’honneur est éloquent. En octobre 1791, il fait partie du 1er bataillon du Loiret. Et ce n’est qu’un début. Il se distingue dans les guerres de la Révolution et de l’Empire : « A fait les campagnes des campagnes des armées 1792, 1793, ans 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 9 aux armées du Nord, des Ardennes, du Rhin, d’Italie et des Côtes de l’Océan et celles de 1808, 1809, 1810, 1811, 1812 et 1813 aux armées d’Espagne et du Portugal ».

Ses plus importants faits d’armes et ses blessures sont presque en nombre égal. Parmi eux :

Du 16 au 20 mai 1809, le major passe la rivière Cinca en Espagne à la nage sous le feu de l’ennemi et ramène le détachement de cuirassiers qu’il commande ;

Le 12 avril 1811, avec 80 cuirassiers, il attaque cinq escadrons ennemis, fait 30 prisonniers, tue plus de 40 hommes, en blesse un grand nombre et fait ramasser 250 armes laissées sur le champ de bataille ;

Un coup de feu à la main droite et près de l’œil droit en 1793 devant Maubeuge ;

Une blessure à l’œil droit devant Charleroi en 1794 ;

Un coup de feu à la jambe droite devant la chartreuse de Coblence ;

Une blessure à la jambe gauche le 12 avril 1813.

Le major Robichon s’établit à Moulins après cette vie militaire aussi hardie que remplie, nanti d’une fortune colossale dont l’origine semble être le résultat de réquisitions, voire de pillages durant les sièges de la guerre d’Espagne. Certains préfèrent attribuer sa richesse à sa création d’un ample manteau de cavalerie qui portait encore son nom en 1875 dans les escadrons.

Le major possède des biens immobiliers et terriens en Eure-et-Loir, dans le Loiret dont un vignoble à Orléans et l’Allier (deux maisons à Moulins, rue des Tanneries et cours Bérulle, le château d’Hauterive et le bois de Paray à Saint-Gérand-de-Vaux), etc. Il fait un usage généreux d’une partie de ses liquidités. On sait qu’il coopérait à la société mutuelle des ouvriers et se conduisait comme un père avec les déshérités.

Pourquoi s’est-il retiré à Moulins ? Son régiment de cavalerie a-t-il eu affaire au quartiers Villars ? Jusque-là, rien ne permet de le savoir.

Mais, une chose est certaine, il avait adopté le Bourbonnais au point de lui léguer 100 000 francs placés en rente d’État qui devaient produire un rapport de 800 francs chaque année. Ce legs est destiné à des personnes natives de l’Allier, qui se sont « distinguées par leur bravoure et leur dévouement, science et art et découverte dans le département ». Le département du Loiret reçoit la même somme assortie des mêmes conditions.

Le major meurt dans sa maison de Moulins le 11 juin 1848. Il est inhumé civilement selon ses dernières volontés dans sa propriété d‘Hauterive : « Je ne veux pas, je ne veux pas, je ne veux pas qu’il y ait de prêtre à mon inhumation ; un officier civil suffira. […] Je ne veux pas que mes héritiers portent de deueulle. Je désire être entré à Hautrive, dans la pièce de terre dite des peuplier*. » Son cheval y gisait déjà dit-on.

Outre ses largesses départementales, Louis Robichon lègue ses deux maisons moulinoises et leur mobilier ainsi que son château à sa cousine, Elise Loiseleur, âgée de 34 ans, qui figurait sur les recensements de Saint-Gérand comme demoiselle de compagnie. La commune reçoit 6 000 francs à placer en rentes d’Etat pour distribution des intérêts aux élèves qui auront fait le plus de progrès en lecture ou en écriture et remise de livres, papier, plumes et encre à des élèves nécessiteux. Ses héritiers naturels Lassailly, neveu et petits-neveux, se retrouvant avec un part minime, contestent le testament et obtiennent une réduction des legs au Loiret et à l’Allier de 100 000 francs à 20 000 francs chacun.

Dans leurs ouvrages à son sujet, Henri Herluison** et Saint-Gris*** n’ont pas la même approche. Le premier se montre beaucoup moins objectif et attribue la fortune de ce personnage haut en couleurs à son invention vestimentaire comme indiqué plus haut. Les Fiefs du Bourbonnais**** mentionnent que, de son vivant, le major étonnait quelque peu les habitants alentours à cause de ses mœurs vraiment trop libres !

 

Louis Delallier

 

*Orthographe originale respectée

** Le prix Robichon, Orléans, H. Herluison, libraire-éditeur, 1875

*** Le legs Robichon, son fondateur et ses bénéficiaires jusqu’à 1892 par Saint-Gris, Moulins, H. Durond, libraire-éditeur, 1893

**** Fiefs du Bourbonnais, rive droite de l’Allier d’Aubert de la Faige et Roger de la Boutresse, corrections et additions par Philippe Tiersonnier, Moulins, H. Durond, libraire-éditeur, 1936

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