Des façades de maisons moulinoises offrent encore au regard des passants la trace écrite qu’ont tenu à laisser leurs premiers habitants. Faire construire ou construire soi-même son logement est un acte important, parfois l’œuvre d’une vie. Pour certaines personnes, l’inscription de son nom et d’une date représente un moyen de ne pas tomber dans l’oubli au moins jusqu'à ce qu'un nouveau constructeur ne fasse table rase du passé.
La pierre gravée posée par Célestine Mousset, rue des Bouchers, en est un exemple. En septembre 2012, on pouvait encore lire « Posée par moi Célestine Mousset femme Filliot le 6 mai 1864 ». Elle a disparu.
Les registres d’état civil nous apprennent que Célestine est née à Bressolles le 4 juillet 1841. Elle épouse Gilbert Filliot (né en 1825 à Moulins), marchand de porcelaines rue d’Allier. Lorsqu’elle meurt le 15 mai 1904 à Moulins, boulevard du Chambonnet, elle est veuve de Gilbert Filliot qui a donc été son seul mari. Les témoins sont Eugène Cottin, commis des Ponts et Chaussées, 40 ans, époux de sa fille Joséphine, et Gabriel Golliard, commis d’architecte, 29 ans, son neveu.
Une autre pierre (toujours en place), témoignant de la présence de la famille Friot, rue des Garceaux, présente la particularité de rappeler la mémoire de la toute jeune Anne Friot : « posée par Anne Friot, âgée de 5 ans, 1 avril 1881 ».
Anne est née à Moulins le 29 octobre 1876, rue des Garceaux. Sa mère est couturière et son père potier (plus tard, il sera employé d’octroi). Elle se marie à Moulins le 30 janvier 1900 avec Ignace Forestier, maréchal des logis chef au 10e régiment de chasseurs à cheval en garnison à Moulins. Il est domicilié à Saint-Rémy-en-Rollat où il est né le 2 juin 1873. Comme bon nombre de femmes, Anne voit partir son mari à la guerre où il s’illustre dès le début. En effet, sa fiche militaire indique que « Dans les heures critiques au début de la campagne le 28 août 1914, a su grâce à son énergie empêcher le désordre de se mettre dans le convoi qu’il conduisait et l’a ramené intact malgré le feu de l’ennemi. N’a jamais cessé de servir avec le plus grand zèle s’acquittant de toutes les missions à la plus grande satisfaction de ses chefs ». Il est qualifié d’officier actif, vigoureux et des plus consciencieux. Il rentre auprès d’Anne avec dans son bagage la Croix de guerre et de la Légion d’honneur.
Environ vingt-cinq autres pierres sont encore visibles dans Moulins.
Louis Delallier