Lundi 20 décembre 1909, Arthur Mille, député de l’Allier (Socialistes unifiés) marche en long et en large dans la rue François-Péron, le long du chevet de la cathédrale. Il attend ainsi pendant au moins un quart d’heure dans la boue et les courants d’air. L’ami entré admirer l’édifice ressort très satisfait :
Mes compliments, mon cher ; savez-vous que vous avez une fort belle cathédrale, et que je m’en serais voulu de n’avoir point profité de ma présence ici pour la visiter ?
Dix minutes plus tard, les deux hommes sont arrivés à la gare où ils retrouvent Léon Thivrier, autre député de l’Allier (Socialistes unifiés). Tous les trois montent dans l’express de 11h 24 pour Paris. Sur le quai, plusieurs notabilités socialistes locales dont René Boudet, conseiller général, MM Caumartin, conseiller municipal, et Bousquet, professeur au lycée, sont venues les saluer.
La personnalité venue participer, la veille, au congrès départemental de la fédération socialiste de l’Allier à la bourse du travail située dans la salle du Pont-Ginguet, n’est autre que Jean Jaurès, alors député du Tarn (Socialistes unifiés comme ses collègues). Il n’est plus à présenter : plus jeune député français en 1885, l’un des fondateurs du parti socialiste, dreyfusard, fondateur et directeur de l’Humanité, contributeur à la rédaction de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat, un des principaux membres de la SFIO (Section Française de l’Internationale Ouvrière).
C’est à la suite d’une démarche du groupe socialiste de Moulins qu’il a accepté ce déplacement inclus dans une tournée bourbonnaise dont, le dimanche précédent, Commentry, berceau du socialisme avec l’élection de Christophe Thivrier (père de Léon cité plus haut) en 1882. Les Moulinois se félicitent de sa venue qui démontre que leurs idées se développent même dans cette partie du département. Ils ont fièrement déployé le drapeau rouge et la population lui a réservé un accueil des plus chaleureux. Les militants se rappellent la situation neuf ou dix ans plus tôt où l’indifférence régnait, où la lassitude les envahissait quand des groupes constitués ne duraient pas longtemps. Ils sont heureux de constater que la flamme socialiste ne faisait que dormir sous la cendre, que les travailleurs ne se courbent plus devant la puissance capitaliste et s’ouvrent aux idées progressistes d’égalité, de justice et de beauté. Pour eux la réunion moulinoise représente un soir de triomphe et une veillée d’armes !
L’avenir leur donnera raison car les six sièges bourbonnais de députés seront gagnés aux élections législatives des 24 avril et 8 mai 1910 par six socialistes ou apparentés : Pierre Brizon, Charles Dumas, Léon Thivrier, Émile Paturet, Étienne Lamoureux et Arthur Mille. Ils siègeront aux côtés de Jean Jaurès réélu.
Louis Delallier