Le conseil municipal de Moulins, réuni le lundi 4 novembre 1912, examine un vœu formulé par René Boudet et Auguste Caumartin, conseillers municipaux, sur la possibilité d’accorder aux vieillards hospitalisés à l’hôpital général*, rue de Paris, une promenade journalière à midi dans un secteur limité et libre le dimanche.
La commission administrative hospitalière a, d’ores et déjà, rendu un rapport défavorable en désapprouvant au passage une ingérence des pouvoirs publics. Ses arguments sont nombreux et clairs : donner à ces personnes âgées et en mauvaise santé l’illusion de la liberté, risquer des tensions relationnelles avec la personne chargée de les surveiller, causer des dégâts sur leur santé (il a été observé une augmentation des soins le lendemain de telles balades), créer des incidents, voire des accidents, dus à l’ivrognerie et à la mendicité, et des désordres au moment de réintégrer l’établissement. De plus, la commission observe qu’il serait indécent d’exposer les tares de ces malheureux.
La sortie chaque premier dimanche déjà permise et celles, exceptionnelles, sur justificatifs, dans le courant de la semaine lui paraissent suffisantes. Elle s’engage toutefois à examiner toutes les demandes à venir avec une grande bienveillance.
Un autre vœu présenté par les mêmes élus propose que tout malade se présentant à l’hôpital muni d’un certificat médical soit admis sur le champ, tout en laissant à l’administration le soin d’examiner ensuite le bien-fondé de cette entrée. Là encore, la commission décide le maintien des procédures existantes. Elle précise que les hôpitaux ne sont pas des hôtelleries ouvertes à tous. Et elle ajoute que si elle a bien voulu se pencher sur ces deux vœux, c’est par courtoisie.
La lecture de ce rapport est suivie d’une discussion sans cordialité entre les élus municipaux. René Boudet, jugeant grossier le ton du rapporteur de la commission des hospices, est repris de volée par le maire, Léon Béraud. M. Boudet insiste sur les critiques ironiques et insolentes du rapporteur de la commission administrative. Il reproche au maire d’avoir laissé critiquer deux membres de l’assemblée municipale. On perçoit de la nervosité dans la réponse du maire qui voit dans ces vœux une tentative déplacée de procès à l’encontre des gestionnaires des hôpitaux.
Certains conseillers souhaitent revenir à l’ordre du jour pour plus de sérénité. Mais René Boudet campe sur ses positions. Joseph Carnel, l’un des deux délégués à la commission des hospices (avec Gustave Prud’homme), la défend en rappelant le mot d’ordre qu’elle a lancé au personnel après sa nouvelle composition en juin : Soyez humain ! sans attendre ce type de remontrances. Il rappelle également avoir fait admettre un accidenté sans formalités dès la première semaine de ses fonctions. En juillet, ont été accueillis 3 femmes et 8 hommes dont 4 seulement ont pu présenter un certificat médical et dont on ne s’est pas préoccupé des ressources avant de les soigner. M. Carnel s’estime lui aussi offusqué et aurait aimé parler de ces sujets sans être mis en cause brutalement. M. Boudet le félicite toutefois de son bilan et s’étonne que M. Prud’homme, qu’il avait averti, ne lui ait pas communiqué ses intentions.
Joseph Carnel, toujours sur la défensive, complète son intervention par la relation de quelques incidents lors de la sortie d’octobre : un homme retrouvé couché sur un banc, un autre tombé près du théâtre et un troisième sur le cours près de la préfecture. Il annonce ensuite l’utilisation future d’une jument, à chaque fois que possible, pour tracter le break de l’hôpital où peuvent s’assoir six à huit personnes pour des promenades jusque dans la campagne. Il affirme la volonté de la commission hospitalière de soulager ses vieux malades en leur rendant la vie plus douce.
M. Boudet renouvelle ses félicitations et constate que ces paroles contredisent le ton du rapport de M. Forasté. Il conclut en faisant part de sa surprise qu’un rapport ait dû être rédigé en lieu et place d’une réponse explicative directe comme celle qui vient d’être donnée.
Messieurs Béraud, Boudet, Carnel et Caumartin ont tous été élus au mois de mai précédent sur la liste de concentration républicaine. M. Boudet sera élu maire en 1925.
Louis Delallier
*L’hôpital général de Moulins, situé en partie sur l’emplacement de l’actuel hôpital accueille principalement des vieillards et des mendiants (l’hôpital Saint-Joseph, place de la Liberté, était affecté au traitement de la population civile et militaire). Les terrains attenants sont cultivés pour l’alimentation des pensionnaires. En 1905, Monsieur Charpy, le jardinier en chef, règne sur cinq hectares de terres. L’année précédente, il a obtenu la médaille de vermeil du concours de visite des jardins organisée par la Société d’horticulture. Il est aidé de cinq personnes hospitalisées pour accomplir son importante tâche : nourrir 280 personnes, personnel compris. Des rigoles et bassins judicieusement placés sont d’une grande efficacité pour l’arrosage des légumes dont les graines sont récoltées sur place et utilisées l’année suivante.
Les tomates, melons cantaloups, carottes, pommes de terre, betteraves, haricots etc. qui poussent en quantité ne sont pas les seuls produits du jardin. Les arbres fruitiers comme les pruniers, poiriers, pommiers, cerisiers très nombreux côtoient les pieds de vigne de Pouilly et de Chasselas, lesquels donnent une production annuelle de 20 hectolitres de vin. Mais, on n’en connaît pas la qualité… En 1904, 1 200 kg de cerises, 1 207 kg de fraises et 3 032 kg de poires ont été récoltés.