Il est l’un de ces pionniers qui ont pris d’énormes risques pour faire voler ces nouveaux engins prometteurs malgré les fréquents et graves accidents. Né à Lusigny à une douzaine de kilomètres de Moulins, en décembre 1885, d’un père cultivateur, rien ne le prédestinait vraiment à s’aventurer loin de la campagne bourbonnaise et encore moins à emprunter la voie des airs.
C’est pourtant comme pilote que Jean Francpourmoi va poursuivre sa carrière professionnelle après avoir été un temps valet de chambre à Paris. Son passage au service militaire fut très probablement décisif. La commission d’aviation examine en février 1912 pour homologation son brevet de pilote en même temps que ceux de Marcel Feierstein, Jean Laurent, Luis Agevedo, Charles Nieuport, Julien Lavasseur, Kiyotaké Shigeno, Jean Peretti, Paul Boulzaguet, Henri Sevelle, Charles Dutertre, Ernest Guillaux, Louis Mauger Devarennes, Julien Coville, Jacques Faure, Paul Drevet, André Quennehen, Arsène Vogoyeau, Pierre de Beausire de Seyssel, Julien Hurard, Hubert Jacquet et Ferdinand Willermoz.
Non seulement, ces jeunes hommes essuieront (volontairement pour la plupart) les plâtres de cette discipline débutante, mais ils seront exposés dans leurs fragiles machines pendant plus de quatre années de guerre (au moins trois décèderont dans un accident d’avion et trois à cause du conflit).
Jean Francpourmoi, considéré comme un pilote adroit et courageux, exécute sa première sortie aux commandes d’un monoplan de Pischof le 24 octobre 1912 à partir de l’aérodrome de Juvisy vers 17h 30. Après des difficultés au décollage, il finit par s’élever à une cinquantaine de mètres et évolue pendant une demi-heure autour du champ de Port-Aviation avant des ratés du moteur. Pris de court, il doit impérativement se poser et avise un terrain vague dans la rue Vercingétorix sur les bords de l’Orge. L’appareil heurte la cime d’un arbre et capote. M. Labris, marbrier, le propriétaire du champ, et des maçons travaillant tout près accourent et découvrent le pilote inanimé dans les débris de l’appareil. Un médecin lui donne les premiers soins et le fait transporter à l’hôtel de la Poste à Juvisy où il prend pension. Son état est jugé très grave : plaie au front, déchirure à l’arcade sourcilière, plaies dans le bas du dos et à la jambe gauche et une fracture du crâne. Il a toutefois été capable de raconter les circonstances de son accident.
Au tout début du mois de décembre, le conseil municipal de Lusigny avec à sa tête M. Jeudy décide le lancement d’une souscription en faveur du premier pilote d’avion du département de l’Allier, toujours en traitement à l’Hôtel-Dieu de Paris. Les élus font appel au Courrier de l’Allier et au Progrès de l’Allier pour relayer leur action et donnent 30 francs. Les envois sont à adresser à Pierre Mallet directeur d’école à Lusigny ou aux deux journaux. Le 15 décembre, on comptabilise déjà 101,50 francs. La Société mutuelle des garçons de café, restaurants, hôtels et parties similaires de Moulins s’engage au cours de la réunion de son comité à verser 20 francs (Jean Francpourmoi est le frère du secrétaire de cette société). A la fin du mois, 122,50 francs provenant de donateurs divers s’ajoutent à la cagnotte.
Édouard-Joseph Choussy* participe pécuniairement et offre un petit supplément à l’aviateur : ses deux dernières brochures Jeanne d’Arc à Moulins et Son itinéraire en Bourbonnais. Cet inconditionnel de Jeanne d’Arc est partisan de placer les aviateurs sous son patronage. En effet, son âme s’est envolée des flammes du bûcher telle une colombe vers le ciel et il invite les aviateurs à la glorifier**.
De l’Hôtel-Dieu, le pilote convalescent s’adresse le 12 décembre au directeur du Progrès de l’Allier. Il précise que son bras lui permet d’écrire même si c’est encore imprudent. Il tient à remercier de l’accueil à la généreuse attention à son égard fait par la presse moulinoise, les journaux sportifs, du soir et de Paris.
Remis de ce terrible accident, il se marie le 17 février 1914 avec Jeanne Clément, laitière à Tournan-en-Brie en Seine-et-Marne. Mais moins de six mois plus tard, il est entraîné dans le premier conflit mondial. Nommé sergent le 26 septembre 1914, il passe dans le groupe d’aviation à Dijon comme élève-pilote le 3 mars 1915. La mort le rattrape le 7 juillet suivant. Il est déclaré mort pour la France.
Louis Delallier
*Receveur de l’enregistrement des Domaines, ancien maire de Rongères, historien de Jeanne d’Arc, collectionneur d’autographes, vice-président du comité de réparation nationale envers Jeanne d’Arc, dont le siège est à Rouen - né à Cusset en 1824 et décédé à Saint-Gérand-le-Puy en 1916.
** Notre-Dame de Lorette fêtée le 10 décembre est une des patronnes des aviateurs. Selon la légende, la Sainte Maison de Joseph, Marie et Jésus (couramment nommée la maison de Lorette) vola portée par des anges à travers les airs de Galilée jusqu’en Italie.
Saint Joseph de Cupertino, fêté le 18 septembre, est le saint-patron de l’armée de l’air et de l’espace. Frère convers, il était chargé de s’occuper de la mule du couvent et se surnommait lui-même le frère âne à cause de son incapacité à apprendre à lire et à écrire et à assumer des tâches ordinaires. On compte plus de soixante-dix lévitations à son actif pendant ses prières.