Il y a 110 ans que le tour de France a été créé par Henri Desgrange, directeur du journal L’Auto pour doper les ventes et favoriser l’industrie de la bicyclette. Ce premier tour de France cycliste comporte six étapes dont la première couvre la distance de Paris à Lyon. Il se déroule du 1er au 19 juillet. Les étapes sont beaucoup plus longues alors, la plus importante faisant 471 kilomètres. Les parcours sont plats, aucune montagne n'est franchie. Les cyclistes peuvent ne pas participer à toutes, sauf s’ils veulent figurer au classement général. Ils ont le droit de se reposer de 1 à 3 jours entre chaque étape. Ils ne sont pas regroupés en équipes, tous les participants concourent individuellement et paient une participation de dix francs. Henri Desgrange place des hommes à certains endroits de l’itinéraire pour s'assurer que les cyclistes parcourent bien toute la route du tour.
Le départ de la course est donné à Montgeron devant le café le Réveil Matin, le 1er juillet à 15h16. Montgeron se situe à 19 km au sud-est de Paris dans le département de l’Essonne, le préfet de Paris Louis Lépine ayant interdit les courses sur le territoire parisien. Soixante coureurs s’élancent pour 2 428 kilomètres à travers la France.
Le tracé de la première étape passe par Melun, Montargis, Nevers, Moulins et Roanne. Les coureurs sont livrés à eux-mêmes et la façon dont s’est passée cette première nuit reste un mystère. Géo Lefèvre, l'inventeur du Tour de France est le seul témoin officiel. Il s’est assis sur le bord de la nationale 7, entre Nevers et Moulins, sa bicyclette posée près de lui : « Voici que silencieuses, vers 1 heure du matin, je vois deux formes blanches glisser sur la route et venir à moi, je bondis en selle et, au passage, je m'accroche à ces deux fantômes. "Qui êtes-vous ? - Garin, monsieur Géo, répond une voix joyeuse. Pagie est simplement l'autre. [...] - Que sont devenus les autres ?" Garin ne sait plus. II va rageusement, fonçant dans la nuit. Garin me dit simplement : "Cette course est effroyablement dure, mais je gagnerai, je gagnerai, je gagnerai." Et Pagie suit toujours sans mot dire. Des pavés. Des lumières. Voici Moulins. »
Le contrôle de Moulins est installé à l’hôtel de Paris. Cet hôtel est toujours en activité et reste l’un des hébergements et restaurants les plus réputés de la ville. Deux-cents personnes environ se sont groupées pour assister à ce spectacle inédit.
Les deux premiers coureurs arrivent ensemble à 1h 13. Ce sont Maurice Garin et Émile Pagie. Maurice Garin est le favori de ce premier tour. Et c’est lui qui signe le premier. Après avoir avalé un bol de bouillon et s’être rafraîchi, il attrape une bouteille d’eau, une de lait et des oranges pour la route. Un autre journaliste, lui, l’a vu engloutir « poulet, oranges, eau de Vichy ». Garin aurait hurlé aux curieux : « Donnez-moi de l'eau fraîche ! » Un peu plus tard, Léon Georget se présente, réclamant « du bordeaux et des biscuits ». Géo Lefèvre attend le dernier coureur, le Bourbonnais, Hippolyte Aucouturier, dit le Terrible, qui signe à 2h12. « Il pleure et ses larmes creusent des sillons dans la poussière qui couvre son visage. Je le réconforte. Il me serre la main, enfourche sa machine et repart pauvre corps sans âme, pauvre champion vaincu. » Aucouturier se plaint d’avoir été victime d’un empoisonnement à Nevers dont les effets l’ont considérablement retardé. Il avale néanmoins du rosbif, des œufs crus et du bouillon. Il repart très applaudi.
Maurice Garin arrive à Lyon en vainqueur à 9h 1’ 13’’ suivi par Emile Pagie à une minute. Il remporte un prix de 1 500 francs offert par L’Auto. Chaque coureur est payé 5 francs par jour de course. Le premier au classement général ne porte pas encore de maillot jaune qui n’existe que depuis 1919. Il est identifié par un brassard vert. Le dernier reçoit une lanterne rouge.
Maurice Garin remportera cette première édition du tour de France dont l’arrivée a lieu à Paris. Il aura conservé la tête au classement général d’un bout à l’autre de la course. Et, il terminera avec presque 3 heures d’avance sur le deuxième, Lucien Pothier.
La vente du journal L'Auto ayant augmenté pendant et après la course, le tour de France sera réorganisé en 1904.