Le 1er décembre 1948, le maire de Moulins annonce à la population que la municipalité a fait un cadeau pour le « Merci train ». C’est une ancienne vielle bourbonnaise fabriquée par Pajot à Jenzat, le 27 février 1890, achetée au magasin « Le Ménestrel des arcades » à Moulins. Il ajoute un appel au plus grand nombre de personnes pour obtenir des présents destinés au peuple américain en signe de gratitude.
Un délai est accordé jusqu’au 15 décembre pour apporter son cadeau souvenir personnel au bureau du syndicat d’initiatives de 9 heures à midi et de 14 heures à 18 heures 30, tous les jours de la semaine. Chaque objet doit être accompagné d’une fiche indiquant le nom, la qualité s’il y a lieu et l’adresse du donateur. Les cadeaux regroupés seront envoyés par les soins de la municipalité au train de la reconnaissance française stationné à la gare d’Orsay à Paris.
L’envoi général est fait le 17 décembre 1948 par la municipalité moulinoise en faveur du train de la reconnaissance française au peuple américain. L'entreprise Gilles et Bouet s'occupe du transport.
Le 29 avril 1949, le maire de Moulins communique dans la presse locale la lettre de remerciements du gouverneur de l’état d’Arkansas datée du 2 avril précédent et partie de North Little Rock. L’accueil des cadeaux par le peuple de l’Arkansas a fait l’objet de cérémonies officielles.
Histoire des « Friendship train » et « Merci train »
Après 1945, l'Europe dévastée par la guerre souffre du manque de tous les produits de nécessité et de matériaux pour la reconstruction. En 1947, une collecte de solidarité appelée « Friendship Train » est organisée auprès du peuple américain. Le train composé de quelques wagons part de Los Angeles le 7 novembre. Il en compte plus de 700 à son arrivée à New-York. Après le sacrifice de la vie de leurs soldats en Europe, les américains font encore preuve d'une générosité extraordinaire. 16 000 tonnes de denrées, vêtements et médicaments sont transportées par bateau de New-York jusqu'au Havre. La S.N.C.F se charge ensuite de l'acheminement et de la répartition des wagons à travers la France et jusqu'en Italie.
En 1948, sur l’idée d’un vétéran employé de la SNCF, André Picard, la Fédération Nationale des Anciens combattants des Chemins de Fer de France et de l'Union française décide d’affréter pour les États-Unis le Train de la Reconnaissance française, appelé aussi Gratitude Train ou Merci Train, en souvenir des quarante millions de dollars en nourriture et autres fournitures envoyés en France et en Italie en 1947 et en remerciement au peuple américain pour son aide alors que tout manquait à la fin de la seconde guerre mondiale.
Le symbole du Train de la reconnaissance française, placé à côté du drapeau français, représente l’avant d’une locomotive à vapeur 141 R orné des trois fleurs symbolisant les champs des Flandres où reposent de nombreux soldats morts pendant la Première guerre mondiale : le bleuet, la marguerite et le coquelicot.
Il s’agit de réunir des dons dans toutes les provinces de France et d'envoyer 49 wagons remplis de cadeaux représentatifs de l'art de vivre français (objets historiques, artistiques, artisanaux, folkloriques, typiques des régions) aux États-Unis. Chacun des 48 états qui composent alors les États-Unis sera destinataire d’un wagon. Un wagon supplémentaire sera réparti entre Washington D.C. et l'archipel d'Hawaï où se situe Pearl Harbor. L’Alaska et Hawaï ne sont devenus les 49e et 50e états américains qu'en 1959.
Les wagons, d'anciennes voitures de transport de l'armée française, tous ornés des armoiries des provinces françaises, sont centralisés à Paris et quittent la gare des Batignolles le 10 janvier 1949. Le Magellan, un cargo spécialement transformé, sur lequel est inscrit en lettres blanches de trois mètres de hauteur « MERCI AMERICA », lève l'ancre au Havre, le 14 janvier 1949. Il arrive le 2 février à New-York où plus de 200 000 personnes l’accueillent. 9 000 cadeaux auront été laissés sur le quai par manque de place.
Les wagons sont déchargés dans le Port de New Jersey avant de rejoindre l'état qui leur est affecté. Ils contiennent environ 52 000 objets de toute sorte comme des objets d’art régional, des poupées, de la broderie, de la vaisselle, des peintures, sculptures, des jouets, des livres. Parmi eux quelques raretés sont à remarquer : une Légion d'Honneur décernée par Napoléon, le clairon qui a sonné la signature de l'Armistice à Compiègne en 1918, cinquante peintures rares, la première moto jamais construite, un carrosse de Louis XV. Le Président de la République Française a, lui-même, contribué en donnant quarante-neuf vases de Sèvres. Et, la ville de Lyon a offert plusieurs dizaines de robes de mariée en soie.
Quelques wagons du « Train de la Reconnaissance française » ont disparu, détruits accidentellement ou par négligence. Les autres sont encore exposés dans des musées, des parcs, des squares et des postes d’anciens combattants aux États-Unis. Certains musées ont mis en ligne le catalogue des dons accueillis en 1949, mais il n’a pas été possible de retrouver la trace de la vielle bourbonnaise.
Louis Delallier