C’était il y a presque 105 ans.
A la Saint-Jean 1910, le 24 juin, un chiffonnier moulinois sans ressources est expulsé de son logement car il n’en paye pas le loyer. L’homme est connu depuis qu’il a présidé une réunion électorale salle du Pont-Ginguet au printemps précédent. Il transporte sans tarder ses affaires dont quelques meubles en piteux état à l’entrée de l’allée des Gâteaux. Il choisit de s’installer à côté du cordier en plein air que les promeneurs ont l’habitude de venir voir travailler. L’endroit va vite devenir encore plus pittoresque.
Le chiffonnier s’octroie plusieurs mètres carrés de terre autour desquels il creuse une rigole pour permettre l‘évacuation des eaux de pluie. Pour abriter son maigre bien, il tend une bâche déjà bien sale qu’il attache à des piquets. L’entrée de la tente se fait à quatre pattes. Malgré l’incommodité et l’insalubrité du domicile, un homme, une femme et des enfants rejoignent le chiffonnier. En août, deux couples et quatre enfants habitent l’abri de fortune. Le 15 août, un géranium rouge vif vient égayer l’étalage d’objets organisé par l’occupant des lieux sur la barrière de l’avenue. Comme il est une personnalité moulinoise notoire, la municipalité craint qu’il n’attire d’autres marginaux. C’est pourquoi, le maire de Moulins, Monsieur Gondard, avait bien l’intention de s’occuper de cette situation. Mais sa mort soudaine l’en empêchera.
Fin septembre, presque trois mois après le début de l’affaire, la police procède au déménagement du couple et de ses deux enfants dans un logement du « bas Allier », le quartier des Mariniers actuel. Notre original s’active au transport de son matériel. A un curieux il répond: « Il faut que je me dépêche on pourrait me voler mon linge ».
Louis Delallier