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Le grenier de mon Moulins

Histoire de Moulins (Allier) et anecdotes anciennes

Philogène Lucien Viardin, l’aventure à pied

Publié le 8 Mars 2015 par Louisdelallier in Sport, Portraits

Philogène Lucien Viardin est né le 8 janvier 1870 à Hyères. Après avoir servi dans l’infanterie de marine et avoir été opticien, le voilà qui parie avec un riche Américain, pour 20 000 francs qu’il fera le tour de la terre à pied et sans argent en cinq ans.

Il part d’Hyères le 4 septembre 1897 et devra avoir rejoint San Francisco le 4 septembre 1902, soit environ 37 500 km de voyage. Bien qu’ayant eu la jambe cassée en octobre 1893 pour sauver un enfant qui risquait d’être écrasé par une voiture, la marche ne lui fait pas peur. Pour survivre, il donnera des conférences sur ce qu’il aura vu et appris, vendra des cartes postales et son journal de voyage. On retrouve sa trace dans les journaux de l’époque qui mentionnent son passage comme un petit évènement.

Le 28 octobre 1899, à Rennes, il a le visage hâlé et la barbe longue. Il dit ne se nourrir que de potage et d’œufs. Il subsiste en vendant ses chansons. Il a déjà traversé les Bouches-du-Rhône, l’Aude, la Basse-Garonne et le Tarn. On le voit à Bordeaux, La Roche-Sur-Yon, Nantes. En novembre 1899, il est en Bretagne (Saint-Brieuc, Rennes, Morlaix, Brest, Quimper, Lorient, Vannes). Le 26 novembre 1899, il se dirige vers Lille par Vitré, Laval, Le Mans, Chartres et Paris où il est hébergé rue de Tocqueville dans un accueil catholique. Le 26 décembre 1899, Versailles l’accueille.

La carte qu’il présente indique :

ROBINSON CRUSOÊ WlARDYNFF

marcheur et poète,

tour du monde

Il a modifié son nom par sympathie pour l'alliance franco-russe.

Le 1er septembre 1900, il rejoint Londres après Jersey. À chaque étape, il fait constater son passage autant que possible par des ambassadeurs, des ministres ou des consuls.

Il arrive à Toulouse le 16 octobre 1900 après être passé par Marseille et fait 4 830 km à pied.

Il passe à Tournon dans l’Ardèche en avril 1901 de retour du Transvaal.

Le 6 mai 1901, il s’arrête dans les locaux du Courrier de l’Allier place de la gare à Moulins. Son accoutrement est remarquable. Il peut porter un chapeau d’Arlequin aussi bien qu’un chapeau de feutre tacheté de rouge. Pantalon de velours, veston gris, écharpe tricolore, bâton de voyage, il ajoute de la fantaisie avec à gauche un brassard portant en lettres d’or « Ville d’Hyères » et à droite un brassard vert brodé en lettres rouges « Viardin d’Hyères, tour du monde ». Ses chaussures sont rustiques et très usées. Il en est à sa 88e paire. Son sac pesant près de 30 kg est surmonté d’une gamelle et d’un drapeau tricolore et contient les dix gros volumes des attestations des autorités des pays traversés.

Il raconte les aventures et mésaventures au journal moulinois. À son départ d’Hyères, il avait choisi comme entraîneur Paul Brun originaire de Saint-Etienne dont il se sépara au bout de deux ans. Paul Brun, de retour en France, s’est empressé de s’attribuer les performances de Viardin ce qui reste un sujet de colère pour notre marcheur.

À Berlin, il est condamné à 10 jours de prison pour avoir refusé (encore une fois) d’ôter son brassard tricolore. À Constantinople, deux Turcs tuent son chien Médor et l’assomment à moitié le prenant pour un Arménien. En Sibérie, pris pour un forçat évadé, il échappe de peu à la prison. En Afrique du Sud, au Transvaal, les Boers le prennent pour un ancien membre du raid Jameson (Anglais qui leva une armée de 500 hommes pour renverser le gouvernement du Transvaal) et le condamnent à être fusillé le 14 janvier 1900. La veille, il est fort heureusement délivré par le colonel de Villebois-Mareuil qui lui donne comme souvenir un portefeuille avec sa photographie ! Pris par les Anglais 15 jours après, il est à nouveau condamné à mort. Cette fois, il s’évade. Il ne redoute pas la provocation, car en Angleterre, il arbore un chapeau Boer qui attise la colère des habitants qui l’auraient bien écharpé.

P. L. Viardin a prévu de continuer ses pérégrinations par la Belgique et les Pays-Bas d’où il s’embarquera pour l’Amérique du Nord. Il traversera les Etats-Unis de New-York à San Francisco puis longera la côte pacifique jusqu’en Patagonie et remontera le long de l’Atlantique jusqu’à New -York

Il se signale à Bucquoy dans le Pas-de-Calais le 9 juin 1901 et à Nancy le 26 juillet 1901. À Metz, il refuse d’enlever son brassard tricolore comme l’exigent les autorités allemandes. Il ne peut donc pas traverser la Lorraine.

En novembre 1901, c’est un journal néerlandais qui parle de lui. On retrouve sa trace le 15 mars 1904 où il passe à Quimperlé et à Saint-Brieuc avec une voiture japonaise « pousse-pousse ». Philogène Lucien Viardin avait le projet de transporter dans un pousse-pousse M. et Mme Eyckermann de Reims dans son tour du monde. Rien ne permet de dire s’il a mis son projet à exécution. Ce pousse-pousse avec lequel on l’a vu en Bretagne en est-il le témoin ?

Louis Delallier

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