Les spécialistes de l’histoire de l’escrime n’hésitent pas à affirmer que la science des armes approche un point d’équilibre et de perfection au XIXe siècle qu’ils considèrent comme son âge d’or. La résolution de conflits privés à l’épée dans certains milieux, surtout au début et à la fin du siècle, et la pratique en salle contribuent à cet essor.
Moulins n’échappe pas à l’engouement pour le maniement de l’épée. Émile Courtois, maréchal des logis au 6e régiment de hussards au grand quartier de cavalerie à Fontainebleau au moment de la naissance de sa fille Olympe en juin 1853, ouvre une salle en 1866 rue d’Allier (en face de l’hôtel d’Orvilliers).
L’amplitude horaire est impressionnante : de 7 heures à 22 heures tous les jours. Un assaut d’armes de 20 heures à 22 heures a lieu chaque mardi, jeudi et samedi. Le maître y adjoint de la gymnastique ordinaire et de la gymnastique orthopédique applicable aux défectuosités de la taille.
Les exercices physiques commencent à occuper une place de choix dans la conservation ou l’amélioration de la santé. Un décret du 3 février 1869 rend même obligatoires les exercices de gymnastique dans les lycées, collèges, écoles primaires, communales et écoles normales primaires.
Emile Courtois, qui a au fil du temps inculqué les « méthodes excellentes et rigoureuses du régiment à son fils », a développé un enseignement scientifique de la gymnastique. Il utilise une échelle orthopédique (redressement de la colonne vertébrale), une échelle dorsale (développement de la poitrine) et un appareil Seyre* pour les troubles de la coordination des mouvements, réputé pour les guérisons orthopédiques particulièrement celles des enfants malades. Des toises, bascules, dynamomètres, etc. mesurent les progrès obtenus. Émile Courtois se tient naturellement au courant des nouveautés tout en restant en relation constantes avec les premières salles de Paris.
En août 1895, toujours fidèle au poste, Émile Courtois annonce donner des leçons d’escrime classique (épée et sabre) avec pratique du professeur Jean Louis** dont il fut l’élève et d’escrime facile pour les candidats aux écoles du Gouvernement (épreuve obligatoire). Des leçons à domicile sont également dispensées. Son fils, Émile, exerce au même endroit au moins à partir de ce mois d’août 1895.
En 1901, un journaliste du Panthéon de l’industrie, rappelle les phénomènes d’anémie, d’émaciation, de dépression des forces musculaires, dus à l’inertie générale ou partielle imposée, privant les fibres musculaires d’un bon développement. Et il rappelle la nécessité d’une prise en charge sérieuse pour compenser ces dérives comme il la découvre au cours de sa visite à la salle Courtois. Emile Courtois père, ancien maître d’armés à l’armée, a su s’adapter aux attentes liées à l’hygiène et à l’éducation corporelle. Son établissement modèle est remarquablement installé. Ses vastes proportions tant en hauteur qu’en largeur offrent un énorme volume d’air qui contribue au maintien de très bonnes conditions d’hygiène. On ne peut que louer les avantages de l’escrime tout en élégance et grâce, sport salutaire mettant en action un très grand nombre de muscles tout en requérant force, adresse, promptitude, et précision. Elle se pratique aisément jusqu’à un âge avancé.
Émile Courtois est aussi professeur pour les officiers de l’armée territoriale, au lycée Banville et au pensionnat Saint-Gilles. Il reçoit de la Société d’encouragement d’escrime de France une médaille d’honneur en vermeil pour le dévouement et le zèle qu’il apporte au développement de l’escrime. Il décède le 1er avril 1904 à Marseille.
Après la mort de son fils Émile, le samedi 24 août 1912, chez lui 46 rue d’Allier, sa fille Olympe, épouse Guyotte, demeurant à Nice, vend la salle familiale et tout son matériel en octobre suivant à Polydor Leca, ancien adjudant, maître d’armes au 10e chasseurs et professeur d’escrime au lycée Banville. Ce dernier poursuit les cours d’escrime et de gymnastique médicale en se montrant à la hauteur de ses prédécesseurs pendant plus de trois décennies.
Louis Delallier
*Il se nomme en réalité Jean-Louis Michel et acquiert une véritable notoriété grâce à Arsène Vigeant, grand escrimeur parisien de la IIIe République, et son ouvrage Un maître d’armes sous la Restauration. Jean-Louis Michel enseigne à Montpellier et forme des générations de fleurettistes parmi les meilleurs. On parle de lui comme le père de l’escrime languedocienne. Il est né à Saint-Dominique en 1785 et émigre vers 1793/1795 dans une période très agitée sur l’île. Il est recueilli par une famille protestante de Montauban qui, dès 1796, se débarrasse de lui en lui faisant intégrer le corps des enfants de troupe de la 32e demi-brigade d’infanterie de ligne. Cette dure instruction militaire orientera sa vie devenue légendaire.
**On suspend le patient par des sangles passant sous les aisselles puis sous la mâchoire durant plusieurs minutes pendant lesquelles le malheureux gît comme un pantin désarticulé. Alphonse Daudet témoigne de son expérience de cet appareil dans son recueil de notes La Doulou (La douleur). Il souffre d’une maladie incurable aux douleurs fulgurantes de la moelle épinière (le tabes dorsalis, complication neurologique de la syphillis) : Je reste quatre minutes en l’air, dont deux soutenu seulement par la mâchoire. Douleur aux dents. Puis, en descendant, quand on me détache, horrible malaise dans la région dorsale et dans la nuque, comme si toute ma moelle se fondait. […] nul effet curatif sensible.