Le Roubaisien Marcel Moulard aura probablement conservé un souvenir mitigé de son passage dans l’Allier.
A 28 ans, cet ex-champion de marathon* du Nord et de Picardie se lance un nouveau défi : parcourir la France en suivant ses côtes, soit environ 6 800 km en cinq mois. Son point de départ est Paris le 22 août 1934. Avec 250 francs en poche, il rejoint l’Aisne, puis le Nord et son bord de mer. L’Indépendant de la Charente Inférieure du 13 octobre 1934 relate la visite qu’il a faite à sa rédaction de Saintes l’avant-veille. Marcel a accompli à peu près la moitié de son périple à une moyenne journalière de 40 à 50 km. Il se dirige vers Bordeaux, Pau, les Pyrénées, la Provence et les Alpes.
Et voici l’Allier où les gendarmes de Saint-Loup, qui le contrôlent, ne croient pas à son expédition pédestre et le prennent pour un vagabond. C’est ainsi que Marcel Moulard, brave petit bonhomme trapu, se retrouve à comparaître devant le tribunal correctionnel de Moulins le samedi 5 janvier 1935 au lieu de poursuivre sereinement sa route vers Paris. Lui qui, pourtant, n’est pas tenu de posséder un carnet anthropométrique, doit se justifier. Il raconte ses exploits sportifs passés au président Mallet et à ses assesseurs messieurs Pinon et Chabrol. Il intéresse particulièrement l’assistance lorsqu’il parle des footballeurs réputés de sa région qu’il connaît bien. Il cite Verhiest, Émile Sartorius, Jules Cocheteux et Edmond Leveugle, ce qui suscite l’admiration. Grâce à son auto-plaidoirie d’une grande simplicité, il obtient la levée de l’accusation qui le retenait à Moulins et peut enfin reprendre le chemin du retour.
Cette petite mésaventure ne l’empêche pas de commencer un deuxième tour presque identique après une marche de 24 heures consécutives dans les rues de Roubaix qu’il quitte le 11 novembre suivant. Il compte rentrer au bout de huit mois.
Louis Delallier
*Il a participé à Paris-Strasbourg, une marche de grand fond de plus de 550 km, de jour et de nuit, sans étapes obligatoires, donc sans repos, créée par Émile Anthoine, champion d’athlétisme. Les éditions se sont succédé de 1926 à 1937. Elles partaient de la caserne de la garde Républicaine, place de la République à Paris, pour rejoindre la place Kléber à Strasbourg. Il s’agissait de marche rapide sportive ou de marche athlétique. Cette course serait la première de son genre avec contrôles officiels. Il faudra un peu plus de trois jours aux premiers vainqueurs pour en venir à bout. Le 1er prix de 1926 est une automobile.
**Le carnet anthropométrique, institué en juillet 1912, a été remplacé en 1969 par le livret de circulation, lui-même supprimé en 2015. Il était obligatoire et permettait de surveiller les déplacements des nomades de plus de 13 ans en France. Il existait des carnets individuels et collectifs qui devaient être signés quotidiennement par une autorité locale. Y étaient notés les déplacements en plus des renseignements physiques, des empreintes digitales et des photos de profil et de face.