Marie Marvingt (1875-1963), présentée dans la presse moulinoise comme la seule pilote aéronaute aviatrice, lauréate de l’Académie des sports, officier d’Académie, infirmière diplômée de la Croix-Rouge (section de Nancy) tient une conférence le mercredi 13 mai 1914 à 20 heures, dans la salle du café américain. L’objectif de sa tournée de conférences est d’offrir à l’armée un avion-ambulance « Capitaine-Echemann » qui sera le premier affecté à la Croix-Rouge et que le général Hirschauer a désigné pour le centre de Nancy dont Marie Marvingt est l’infirmière diplômée depuis de longues années. La conférencière de grand talent a déjà connu un succès considérable à Nancy, Lille, Boulogne, Chamonix, Belfort, Marseille
Sa causerie « Deux heures dans les airs » comprend deux parties :
1) A quoi servira l’avion-ambulance ; aérostation : sphérique et dirigeable ; parachute et cerf-volant ; émouvant récit de sa traversée de la mer du Nord en sphérique de Nancy à Southwold.
2) Débuts de l’aviation ; comment l’on devient aviateur ; ce que l’on ressent dans les airs ; incidents et accidents ; l’aviation militaire ; l’aviation aux colonies.
Des projections cinématographiques appuient son propos : Son départ et son atterrissage en sphérique ; sa première leçon avec Latham en 1909 ; passage de son brevet sur monoplan Antoinette ; sa victoire de la coupe Fémina en 1910 ; premier passage à Arcis-sur-Aube du capitaine-Echemann au cours de son voyage de 600 km avec les avions-roulottes ; montage d’un Blériot ; une heure au-dessus de la campagne à bord d’un monoplan ; l’arrivée de Laurens à Gênes avec J. Schneider à bord d’un hydro-aéroplane ; la course des hydro-aéroplanes contre les canots automobiles à Monaco.
Prix des places : premières 2 francs - secondes 1 franc - pour les militaires et les enfants des écoles 0,50 franc.
Bien trop méconnue en France, Marie Marvingt, « la reine de l’air », « Marie casse-cou », « l'infatigable globe-trotteuse », « l’éternelle curieuse », « la femme la plus extraordinaire du siècle », « la femme la plus extraordinaire depuis Jeanne d’Arc », « la femme la plus décorée au monde », « la fiancée du danger » est une femme exceptionnelle. Licenciée en lettres, parlant plusieurs langues dont l’Espéranto, elle pratique l’équitation, le cyclisme, le tir, les sports d’hiver, les arts martiaux, l’escrime, le canoë, le patinage, l’alpinisme. Elle obtient dix-sept titres mondiaux. Elle aurait aussi suivi une formation au cirque Rancy où elle aurait appris à jongler, faire du trapèze et à marcher sur un fil. Elle est la première femme à gravir les sommets des Alpes françaises et suisses entre 1903 et 1910, la première à faire le Tour de France en 1908 (on lui a refusé l’autorisation de participer et elle parcourt le circuit quelques jours après les coureurs). Elle est la première à traverser Paris à la nage (12 km), la première à traverser la Mer du Nord d’est en ouest en pilotant un ballon (l’Etoile filante) pendant 14 heures avec Emile Garnier. Elle est l’une des premières femmes titulaires du permis de conduire (1899). Elle réussit aussi les brevets de pilote de ballon, d’avion, d’hydravion, d’hélicoptère (en 1961 à 86 ans) et de dirigeable. Elle établit de nombreux records dont celui du plus grand nombre de vols (900) sans le moindre accident.
Ne pouvant pas servir son pays comme pilote pendant la première guerre mondiale, elle se transforme en correspondante de guerre, officier médical, infirmière à la Croix-Rouge. Elle se rend compte très vite que l’avion peut devenir un moyen rapide de secours et de transport des blessés et met au point, avec l’aide d’un ingénieur, un monoplan muni d’une civière blindée sous un fuselage et d’un matelas pneumatique bordé par des fenêtres de mica. Mais l’état-major reste sceptique face à ce projet. Marie Marvingt aura néanmoins inventé l’aviation sanitaire.
Après la guerre, la voici journaliste, officier de santé des armées dans les forces françaises au Maroc. Le gouvernement français lui demande de créer un service civil d’ambulances sanitaires aériennes au Maroc. Marie Marvingt ne cesse de lutter pour le développement du secours aux blessés par air. Pour donner du poids à sa démarche et se faire entendre des autorités, elle donne quelque 3 000 conférences sur l’aviation sanitaire à travers le monde et réalisera deux documentaires sur la naissance du service sanitaire aérien Les Ailes qui sauvent et Sauvés par la Colombe en 1949. Sa devise était « Savoir vouloir ». Elle l’aura appliquée à elle-même jusqu’au bout, car à 80 ans elle vole dans un jet américain et passe le mur du son et à 85 ans, elle effectue encore Paris-Nancy à vélo et pilote le 1er hélicoptère à réaction, le McDonnell F-101 Voodoo dit « le Djinn ».
Louis Delallier