Petit Polyte et son épouse, autrement dits Hyppolite et Marie-Antoinette Lamouroux, cheminent à travers toute la France assis dans leur charrette pavoisée, à deux roues, tractée par Mouchamiel, leur âne. Ils se sont attelés à une mission de bienfaisance au profit des déshérités et de l’œuvre de secours aux veuves et orphelins de la guerre russo-japonaise (8 février 1904-5 septembre 1905). Ils sont chaleureusement recommandés aux autorités des villes (principalement des villes de garnison) qu’ils traversent par l’ambassade de France en Russie, ce qui va de soi quand on sait que l’œuvre qu’ils représentent est présidée par madame Bompard, femme de l’ambassadeur de France à Saint-Pétersbourg. En 1903, Petit Polyte et madame ont reçu les prix Montyon et Laussat décernés par l’Académie française et l’Académie des sciences. Ces récompenses sont attribuées chaque année à un Français pauvre qui aura eu une action vertueuse pendant au moins deux ans ou qui aura fait preuve de dévouement et de courage.
Petit Polyte est agréé par les autorités militaires et maritimes. Il est attaché à bord des navires de guerre et dans les casernes comme « récréateur ». Une carte postale montre son arrivée à bord de La Couronne, frégate cuirassée, devenue caserne-atelier central de la Flotte à Toulon en 1910 et une autre à bord d’un navire de guerre. Petit Polyte et sa femme sont également les fondateurs de la bibliothèque des marins coloniaux et du « Colis du marin ».
Ces grands cœurs font étape à Moulins au début du mois de septembre 1905. Le 11, Polyte donne son premier spectacle moulinois au kiosque du cours de la préfecture. Le voilà « mimophone » (peut-être une imitation des lettres de l’alphabet par des mouvements des doigts), jouant « La monnaie de la pièce », récitant quelques histoires, entonnant des chansonnettes comiques, interprétant plusieurs personnages dans la Bougie merveilleuse. Le 12, il est au café des Négociants, place d'Allier.
Le 13, il se produit, sans demander de cachet, à l’hôpital général, dans la salle du réfectoire des femmes, pour les 300 hospitalisés. On retrouve le mimophone, des poésies et, cette fois, Polyte propose des expériences de télégraphie sans fil « nouveau genre » selon son expression. Le couple de bienfaiteurs offre une tombola aux petits enfants qui reçoivent chacun un lot (petites voitures, poupées) en plus des gâteaux et des bonbons. Les ¾ de la recette sont remis aux nécessiteux.
Les soirs suivants, la place d’Allier lui sert de scène. Il termine par une fête au théâtre pour les orphelins.
La vente de recueils de de monologues, de récits, de pièces procure des rentrées d’argent qui sont reversées à des œuvres philanthropiques. Polyte et sa femme ont déjà donné des sommes très importantes comme en témoignent les reçus et leurs livres d’or signés de personnalités du monde maritime, militaire, scientifique et artistique.
Petit Polyte meurt en 1910. Sa veuve, Marie-Antoinette, continue son œuvre autant que possible. Mouchamiel disparaît avant la fin de la Première Guerre. Marie-Antoinette fait l’objet d’un article de Paris-Soir du 23 novembre 1937 sous ce titre : « Devenue aveugle, la " bonne maman des marins" est tombée dans la plus atroce misère. Elle doit se résoudre à entrer à l’hospice des vieillards de Toulon. Une bien triste fin pour une vie de générosité.
Louis Delallier