La catastrophe de Courrières près de Lens dans le Pas-de-Calais est considérée comme la plus importante catastrophe minière d'Europe. Cette explosion dans une des mines de charbon de la Compagnie des mines tue, officiellement, 1 099 ouvriers, le samedi 10 mars 1906. Un coup de grisou suivi d'un coup de poussier dévaste 110 kilomètres de galeries dans les fosses 2 de Billy-Montigny, 3 de Méricourt et 4-11 de Sallaumines. Des mineurs allemands volontaires vont participer au sauvetage. Ils sont les seuls à être équipés de masques à oxygène. Ce jour-là, il y avait quelque 1 800 mineurs en bas sans compter les travailleurs irréguliers.
Vingt jours après l’accident, treize rescapés1 retrouvent miraculeusement la sortie après avoir vécu un cauchemar éveillé. Un quatorzième est sauvé quatre jours plus tard.
Parmi les victimes, on compte les frères Schumann, Eugène, 22 ans, et Marcel, 20 ans, habitant
dans les corons de Méricourt. L’aîné travaillait depuis 3 ans à la mine, son jeune frère depuis six mois seulement. Eugène avait épousé Rosalie au mois de décembre précédent. Les parents, domiciliés rue du Chambon dans le quartier de la Madeleine à Moulins, apprennent la nouvelle par Gabriel, un autre de leurs 10 enfants (sur les 16 qu’ils ont eus), employé lui aussi par la Compagnie.
Il faisait partie de l’équipe montante de la fosse 3 de Méricourt, revenue à l’extérieur le samedi matin vers 6 heures, alors que ses deux frères étaient dans l’équipe descendante. Il écrit ces quelques lignes alarmantes :
« Marcel et Eugène sont dans la fosse où le feu a pris. Il y a là avec eux 1 400 autres ouvriers. On a peu d’espoir de les sauver. Je porte grand-peine. C’est un coup de grisou qui a amené la catastrophe ».
Puis, suivra un télégramme confirmant laconiquement les pires craintes : « Eugène, Marcel morts ».
Les malheureux parents partent dès réception à Courrières. Ils en reviennent encore plus désespérés de n’avoir pas pu voir les corps de leurs fils qui n’ont pas été formellement identifiés. La douleur sera ravivée vingt jours après quand ils apprendront que Marcel a fait partie, pendant 18 jours avant de succomber, du groupe qui comptera 13 survivants. Plusieurs familles de l’Allier sont aussi très durement touchées, car trente autres mineurs originaires de notre département ont péri dans l’une ou l’autre des trois fosses. La famille Simonin de Montvicq, notamment, a perdu Gilbert, le père, 42 ans, Aimé, 16 ans, et Jean, 19 ans, ses fils.
De toute la France et d’Europe, les aides pécuniaires affluent pour tenter de soulager, s’il est possible, la détresse des familles des victimes. Le journal Le Courrier de l’Allier lance un appel aux conseils municipaux de l’Allier pour qu’ils votent des secours. Cet appel est entendu car le Préfet écrit à tous les maires du département en ce sens.
Des souscriptions locales reçoivent :
16 francs des patrons et ouvriers de la fonderie Raisin et Charmot
100 francs de la part de monseigneur Dubourg, évêque de Moulins
100 francs des avocats de Moulins
300 francs du comité de Moulins de l’Union des Femmes de France
33,30 francs des employés et ouvriers de la tannerie Sorrel frères
33,50 francs du personnel de l’octroi
25 francs de l’association fraternelle des anciens élèves de l’école normale
26,25 des patrons et ouvriers bouchers tripiers, charcutiers, personnel de l’abattoir
100 francs du tribunal
63,35 francs de l’union fédérative des syndicats des ouvriers des deux circonscriptions de Moulins
41,25 francs du personnel des bureaux, de la police et des services techniques municipaux
100 francs, produit de la quête aux deux bals des entrepreneurs et du commerce
35 francs du bal en faveur des victimes
200 francs de la quête parmi les élèves et les professeurs de la pension Place au cours d’une audition musicale
1 000 francs du conseil municipal de Moulins, votés à l’unanimité
170 francs de ses membres
40,60 francs après un concert de la Lyre moulinoise
La Banque de France et toutes ses succursales, ainsi que les agences du Crédit Lyonnais de Moulins, Vichy et Montluçon perçoivent les dons, sans frais.
Des artistes donnent des spectacles pour récolter des fonds. L’émotion et la douleur immenses seront vite rejointes par la colère. Fin mars, près de 40 000 mineurs dénonceront leurs conditions de travail et la course au profit menée par leurs patrons. Ce drame et la façon dont la Compagnie y a fait face (surtout préoccupée de sauver les infrastructures2) provoquent une crise politique suivie de ce mouvement social, lesquels conduiront à l’instauration du repos hebdomadaire.
Louis Delallier
1 C’est à l’occasion de cette tragédie que le mot rescapé est passé dans le langage courant. En picard, échappé se dit escapé, devenu rescapé, mot que les journalistes ont utilisé tant et plus lorsque les quatorze miraculés ont refait surface.
2 Jean-Jaurès dans L'Humanité, alla jusqu'à poser cette question : « Et serait-il vrai que, par une funeste erreur, ceux qui dirigeaient les sauvetages, croyant qu'il n'y avait plus en effet d'existence humaine à sauver, se sont préoccupés plus de la mine que des hommes ? »