Bernard Sérardy naît le 12 mai 1873 à Moulins, rue du Cherche-Midi (rue de Paris actuelle). Émile, son père est confiseur. La famille Sérardy a fondé son commerce à l’endroit de la fabrique de sirop et de limonade Gaillard, en 1835.
Après des études au lycée Banville, Bernard Sérardy va suivre la voix/voie paternelle en devenant confiseur à son tour. Pour cela, il lui faut se former et de la meilleure façon qui soit. Il trouve un enseignement de qualité auprès de chocolatiers réputés comme Weiss à Saint-Étienne. Il est alors compagnon du tour de France.
De retour à Moulins, en 1898, il prend les rênes de la maison familiale à laquelle il donne la décoration élégante qu’on connaît aujourd’hui. Elle est l’œuvre de Louis Galfione, peintre-décorateur moulinois qui a dirigé des élèves de l’École des Beaux-Arts de Moulins dans ce travail remarquable. La mosaïque sur le sol de l’entrée est de Pietro Favret, mosaïste à Nevers (1871-1936). Y est inscrit également le nom de l'architecte, Joseph Baury.
Peu après, Bernard Sérardy crée le Palet d’or (chocolat rond et plat, parsemé de paillettes d’or et fourré d’une ganache à la crème fraîche parfumée au café) qui lui apporte une renommée dépassant les frontières nationales. Le tsar Nicolas Il en aurait reçu lors d’un séjour à Vichy et en aurait ensuite fait parvenir dans de nombreuses cours européennes.
Bernard Sérardy n’est pas qu’un chocolatier de talent. C’est aussi un homme averti en matière de course cycliste. On peut lire son nom au palmarès de plusieurs épreuves. Le 10 juillet 1892, par exemple, il termine 5ème de la course de fond de 65 km organisée par la Société vélocipédique de Moulins.
Toujours en 1892, le 23 octobre, il est l’une des estafettes dans l’original parcours de la lettre cachetée du président du Véloce club de Clermont-Ferrand au président de la Société vélocipédique de Moulins. Cette épreuve de rapidité entre les deux villes permet à Bernard Sérardy accompagné du jeune champion moulinois Brirot de couvrir vingt kilomètres au départ de Moulins en 45 minutes.
Il se marie, le 6 août 1898, à Coulandon avec Herminie Déchet dont il aura deux fils : Émile né le 9 février 1900 et Edmond né en 1906.
Malheureusement, la première guerre du XXème siècle lui sera fatale. Malgré ses 41 ans, il est mobilisé au 298ème régiment d’infanterie en qualité de caporal et ce dès le début du conflit. Après plus de deux ans d’épreuve sous le feu ennemi, il est tué au combat le 31 octobre 1916 dans le bois d’Hirtzbach près de Largitz dans le Haut-Rhin. Il reste une croix de guerre, une médaille militaire et ce commentaire élogieux, mais bien laconique pour un tel sacrifice :
« Gradé très consciencieux, d’un courage éprouvé, a passé plusieurs heures d’un bombardement continu à visiter alternativement deux sentinelles de son poste sur lesquelles le tir était spécialement dirigé, les réconfortant par sa présence et donnant à tous l’exemple du calme et de sa belle tenue ».
Sa veuve n’a pas d’autre choix que de vendre la chocolaterie. Monsieur et madame Carré, les nouveaux acquéreurs, développent la commercialisation du fameux produit jusqu’aux rayons du Bon marché à Paris. Mais, ils vont se trouver face à un sérieux problème quelques années plus tard. En effet, Bernard Sérardy n’avait pas pris la précaution de protéger son œuvre, peut-être par excès de confiance, permettant, ainsi, à un chocolatier malhonnête de Saint-Germain-en-Laye de déposer le brevet des Palets d’or à sa place.
L’homme ne se contente pas de s’approprier cette création. Il s’adresse au tribunal pour contester aux Carré la possibilité de vendre la spécialité moulinoise. Il leur faudra des années pour obtenir que la mention « Bernard Sérardy créateur » devienne un gage d’authenticité.
Très éprouvés par cette affaire, les Carré préfèrent passer la main et ils vendent la boutique à monsieur et madame Bellat qui la garderont jusqu’en 1977. Elle est reprise par Bernard Jarriges, maître chocolatier, et Evelyne son épouse. Aujourd’hui, le propriétaire a changé, mais l’établissement est resté le même.
Louis Delallier