La manifestation cycliste régionale la plus importante de l’année 1943 se déroule à Moulins. Elle sera, comme les autres, distrayante et très disputée malgré l’occupation allemande et ses contraintes, malgré les peurs, les tourments et les drames qu’elle provoque. On se détend en ce dimanche 8 août 1943 à suivre les épreuves de vitesse organisées par l’Union cycliste moulinoise et patronnée par le quotidien Paris-Centre qui continue à paraître bon an mal an.
Les engagements sont reçus au siège de l’Union des Cyclistes Moulinois (café Blanchet 9 place Maréchal-Pétain, nom de la place d’Allier pendant l’Occupation). Dix prix seront distribués : 1 800 francs, 1 300 francs, 1 000 francs, 800, 600, 400, deux fois 200 et deux fois 100.
Les participants courent sur un circuit fermé allée des Gâteaux (entrée payante) pour ce grand prix de la ville de Moulins. C’est la première fois depuis le début de la guerre que des équipes de la zone sud sont engagées, telles celles de Vichy et de Montluçon. À leurs côtés, sont inscrits des coureurs de Blanzy (Saône-et-Loire), Nevers, Moulins :
Moulins : Raimond - Marc Boucaumont - Jean Galvardon - Chevenon - Parnière - Beaufils - Lestage - Teston - Vigne - Nançey - Papon - Aujames.
Montluçon : Michel Sanchez - Perrot - Saulnier - Boudonneau - Souillat - Fannechère
Vichy : Maussang - Georges Prugnaud - Charles Da Ronch - Richaud - Gallier - Maurice Giroux - Bouchard - Aldo Mocellin - Vassiack - Richaud.
Nevers : Louis Sanglier - Pierre Lager - Émile Milheu - J. Samson - Philibert Bartheneuf - A. Déchirat - Roger Millereux - Paul Tenaille - Guy Thévenot.
Blanzy : Robert Auclerc - Victor Ferrari.
Ainsi que Bouchon - Girard - Mondot - Bonnot.
Monsieur Blanchet, président de l’U.C.M., speaker aguerri, anime les courses tout l’après-midi. Près de 2 000 spectateurs se sont déplacés pour cet évènement sportif très attendu.
À 14h, une course individuelle de 50 km (65 tours) pour cadets et vétérans est lancée. Un sprint départage les adversaires tous les 20 tours avec l’attribution de points (5 points au premier, quatre au 2ème, etc.). Le dernier sprint compte double. Le classement final s’établit comme suit : Prugnaud avec un tour d’avance - Lestage - Papon - Richaud - Tenaille - Vassiack - Mondot - Teston-Vigne - Nançey - Aujames.
Milheu se classe 1er de la deuxième course, suivi de Bartheneuf, Boucaumont, Gallier, Bouchon. Troisième course : Samson, Sanglier, Chevenon, Bonnot, Perrot. Quatrième course : Bartheneuf, Lager, Gallier, Bouchard, Milheu.
Le grand prix (américaine de deux heures avec sprint toutes les 30 minutes par équipes) permet à l’équipe Milheu-Samson de Nevers d’accumuler 17 points et de gagner avec un tour complet d’avance. Suivent Lager-Sanglier (15 points à un tour), Bouchard-Mocelin (10 points à 2 tours, Gallier-Giroux (9 points), Bartheneuf-Déchirat (14 points 3 tours), Bonnot frères, Da Ronch-Maussan, Parnière-Beaufils, Galvardon-Chevenon, Boucaumont-Richard, Pannechère-Perrot, Girard-Souillat, Thévenot-Millereux et 14ème Saulnier-Boudonneau.
Mesdemoiselles Touchevier et Fournier se font une joie de remettre des gerbes de fleurs aux champions tout auréolés de leur victoire. Il règne une insouciance momentanée. On profite de l’instant qui passe.
Mais la guerre et ses drames rattraperont au moins deux de ces sportifs dont les noms figurent dans de nombreux palmarès d’épreuves cyclistes. Émile Milheu et Philibert Bartheneuf, et son frère Georges (nouvellement passé dans la Résistance), reviennent à vélo d’une mission comme agents de liaison. Suite à une dénonciation, les Allemands les arrêtent à Nevers où ils résident. Après leur avoir fait subir bien des souffrances, leurs geôliers décident de les tuer, au cours d’un transfert vers Paris, sur le pont de pierre à l’entrée de Nevers. Émile saute dans le fleuve, avant d’être criblé de balles. Il mourra peu après. Les deux frères Bartheneuf sont exécutés aussitôt et jetés à l’eau (éléments tirés des souvenirs des sœurs d’Émile). Voici le texte inscrit sur la plaque placée sur le pont de Loire.
Passant souviens-toi
Ici sont tombés pour toi et pour la France
Milheu Émile
Bartheneuf Philibert
Groupe FFI de Nevers
Bartheneuf Georges
Assassinés par les Allemands
Le 5 septembre 1944
Louis Delallier