C’est dit, le comité des fêtes assurera une 8ème édition de son carnaval. Du 22 au 25 février 1936, la ville s’animera et s’amusera quatre jours durant. Pour favoriser l’accès de cette fête populaire au plus grand nombre, la compagnie du P.L.M. ajoute des voitures de 3ème classe au train de marchandises entre Gannat et Moulins le dimanche et le mardi1.
Pour bien entamer les réjouissances, le samedi, à 22 heures, les danseurs se retrouvent au théâtre dont la façade est admirablement illuminée à la manière de Jacopozzi2, dit-on. Le veglione3, dit-on également, est animé par l’orchestre de Jackie et ses cadets. Pour avoir l’autorisation de tournoyer sur la piste, il convient d’être travesti en Pierrot ou Pierrette avec toutefois la liberté du choix des couleurs. Cette règle draconienne, si elle permet un spectacle homogène, a le défaut d’écourter la soirée. En effet, vers minuit, nombre de Pierrots et Pierrettes fatigués quittent la piste presque en même temps que l’orchestre. Les spectateurs en « simple » tenue de soirée ne sont admis à danser que bien plus tard et trop tard pour relancer le bal qui s’éternise au son d’un triste électrophone.
Le lendemain dimanche, malgré un temps pluvieux, les festivités suivent leur cours. Les bredignots se rassemblent dès 10h 30 devant la gare pour défiler jusqu’à la place d’Allier en passant par les cours et la rue d’Allier, en musique grâce à la Lyre moulinoise et la fanfare de Paray-le-Monial. Trois jurys (au café Barthélémy face à la gare, au café Taque près du théâtre et au Grand café place d’Allier) débattent de la qualité des déguisements.
Place d’Allier, se déroulent des courses humoristiques, rythmées par la fanfare de Paray-le-Monial, toutes dotées de prix en argent (courses aux tonneaux, aux œufs, en sacs, à la valise). Pour parachever l’ensemble, un « ânodrome » accueille une course où montures et jockeys ont tous les âges et toutes les tailles.
Puis à 14h 30, de la place aux Foires (place Jean-Moulin actuelle), se met en mouvement la longue mascarade qui parcourt la ville (rues de la Fraternité, Régemortes, place de la Liberté, rue Gambetta, place Cortet, rue du 4-Septembre, avenue Théodore-de-Banville, rues Bréchimbault, de la Flèche, d’Allier, place d’Allier (tour complet), rue d’Allier, cours Jean-Jaurès, avenue Théodore-de-Banville) jusqu’à la gare. Sa majesté Carnaval VIII est bien entourée à commencer par les reines de Moulins et de Saint-Pourçain-sur-Sioule et leurs demoiselles d’honneur.
La foule, massée sur les trottoirs, admire chars et bredignots :
Carnaval se modernise - Mickey se marie - Malbrough s’en va-t-en guerre - charbonnier n’est plus maître chez soi (offert par la corporation des charbonniers) - noce en rodage - Football club moulinois - Les pingouins équilibristes - les éléphants - les sucres d’orge - Les rainettes s’amusent - Star moulinoise en déplacement – A petit poucet astucieux, ogre bredin - Les grandes manœuvres éthiopiennes sous la présidence de sa majesté le Négus - Les habits saints - La bande à l’ours Tric - O Key blague retour de Makallé - Jugiska le Culotté - Pas de grandes manœuvres, intervention personnelle du duiche et de ses ascaris dans la re-reprise de Makallé.
le tout entrecoupé de fanfares toutes plus dynamiques les unes que les autres :
Concerto-auto de Paray-le-Monial, Lyre moulinoise (dirigée par monsieur Greffier), fanfare d’Yzeure (direction Clément), fanfare bredignotte (direction Laroidet), la Boite à musique (direction Bathelet)
Pas de carnaval sans bataille de confetti. La première a lieu à 16 heures place d’Allier tandis que les bredignots reçoivent leurs prix des mains S. M Carnaval VIII en personne. Pendant ce temps, les enfants costumés participent à leur propre bal au théâtre et profitent de la présence des clowns Donati.
A 20 heures, la ville s’illumine et à 22 heures s’ouvre, au théâtre, le bal travesti de la reine et des sports. Une entrée de 10 francs inclut une participation à la tombola dont le gros lot est un poste de TSF Philips. Les organisateurs ont prévu un parc gratuit pour les automobiles sur les cours et un buffet garni.
Le seul incident notable de cette journée chargée est l’arrestation par les gardes mobiles de deux jeunes communistes qui les ont insultés…
Le lundi est le troisième jour d’animation, en soirée seulement. A 20h 30, un défilé lumineux part de la place de l’Hôtel-de-ville et emprunte les rues de l’Horloge, de la Flèche, des Couteliers, la place Cortet, les rues Gambetta, Paul-Bert, la place d’Allier, les rues de Pont, Wagram, Bréchimbault, le cours Jean-Jaurès, la rue d’Allier pour rejoindre la place d’Allier.
Mardi, sous le soleil, les reines, les chars, les bredignots, les fanfares (lyre moulinoise, fanfare d’Yzeure, de Dornes, Boîte à Musique, Concerto-Auto) se regroupent à 14h 30 rue de Lyon. Ce dernier parcours les conduit place d’Allier par les rues des Couteliers, de la Flèche, de l’Horloge, François-Péron, Diderot, les cours, la rue d’Allier. A l’arrivée, on déclenche une énorme bataille de confetti où chacun s’en donne à cœur joie.
Enfin, à 21 h au théâtre, le grand bal de Mardi-gras, paré ou travesti, masqué ou pas, avec, à nouveau, l’orchestre de Jackie et ses cadets, clôt un programme préparé avec soin depuis des mois par des bénévoles dévoués, tout comme ceux de ces dernières années qui ont su composer des carnavals dignes de ce nom. Merci à eux.
Louis Delallier
1 - Gannat 11h 33 - Saulzet 11h 43 - Mayet-d’Ecole/Jenzat 11h 50 - Barberier/Brout-Vernet 12h 02 - Bayet 12h 11 - Saint-Pourçain 12h 23 - Contigny 12h 32 - La Ferté-Hauterive 12h 45 - Bessay 12h 57 - Moulins 13h 17
2 - Fernand Jacopozzi (1877 Florence - 1932 Paris) est un ingénieur électricien à qui l’on doit l’illumination de la Tour Eiffel, de l’Arc-de-Triomphe, l’opéra Garnier, la place de la concorde, l’église de la Madeleine et le bazar de l’Hôtel-de-Ville. Pendant la Grande Guerre, il parvient à créer l’illusion que les services de la gare de l’est sont à Aulnay-sous-Bois.
3 - Fête de nuit parfois costumée