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Le grenier de mon Moulins

Histoire de Moulins (Allier) et anecdotes anciennes

Le 10ème chasseurs assure le spectacle à l’hippodrome des Rocs

Publié le 30 Mars 2019 par Louisdelallier in Fêtes, Sport, Hippisme

Une partie du 10ème chasseurs au quartier Villars

Une partie du 10ème chasseurs au quartier Villars

En 1902, Moulins est encore une ville de garnison importante qui loge ses soldats au quartier Villars1 à la Madeleine depuis juin 1782. Les régiments de dragons, hussards, chasseurs, lanciers, cuirassiers et autres fringants cavaliers s’y succèdent. Les revues du 14-Juillet et les grandes manœuvres sont autant d’occasion pour la population d’admirer des représentants de l’armée en grande tenue et en ordre de marche.

Ce mercredi 9 juillet 1902, les militaires moulinois du 10ème régiment de chasseurs2 sont en fête, pas une « fête » nocturne où ils ont malheureusement l’habitude de se distinguer, mais une rencontre sportive et ludique organisée par leur hiérarchie, à savoir le commandant Georges Marie Renaudeau d’Arc et son adjoint le colonel Bertrand.

Ce sont des cavaliers, donc tout se passe à cheval. L’hippodrome des Rocs à Avermes (sur la route de Trévol) est retenu pour le déroulement du programme hippique de l’après-midi.

La journée commence à la caserne, dès 8 heures, par un petit échauffement à l’épée (Poule à l’épée) pour les officiers, sous-officiers et brigadiers du régiment. Les lieutenants Godinot et Verdelon remportent les deux prix mis en jeu.

A 15h 30, c’est le départ des épreuves hippiques à l’hippodrome. Malgré un jour travaillé et la forte chaleur, les curieux se sont déplacés en grand nombre pour assister à un spectacle inédit  mis en musique par la fanfare de la garnison. Le corps des officiers est au complet avec à sa tête le général Abel Gautrot et le colonel de Chabot. Le général de Benoist a même interrompu son inspection du régiment de dragons de Saint-Étienne pour honorer les festivités de sa présence. Une tente, près de la piste, abritant des bancs et des tables sert de cantine.

Une première course rassemble une quinzaine de cavaliers de première classe sur 800 mètres à parcourir au galop avec obstacles et « complications militaires ». Elle a ceci d’original que les participants doivent, sabre en main, embrocher au passage quatre disques de papier et  larder deux têtes de nègre3. Serre obtient le 1er prix en 47 secondes avec trois disques et deux têtes. Il est suivi de Fauconnet, Roméas et Cumine.

La deuxième épreuve ( selle et du cigare avec obstacles pour les sous-officiers du régiment ne prenant pas part au cross-country) est courue par sept sous-officiers. Les chevaux sont amenés bridés au poteau de départ où les selles sont posées au sol. Au signal, chacun doit seller et sangler seul son cheval, galoper vers une table pour y prendre un cigare, l’allumer, remonter à cheval et gagner l’arrivée cigare allumé. Les maréchaux des logis Courtioux, Geay et Pérette sortent vainqueurs.

Le cross-country (1ère série et 3ème course), 5 000 mètres environ, est doté de 200 francs de prix qui reviennent aux maréchaux des logis Moreau, Balsan4 et Tronchon. La 2ème série est remportée par les maréchaux des logis d’Auzac, de Courson et Esbrat.

Puis l’épreuve la plus attendue car la plus amusante voit s’affronter les ouvriers tailleurs, bottiers et selliers qui ne montent à cheval que lorsqu’ils ne peuvent pas faire autrement. Il s’agit de la course du biscuit ou course aux embusqués. Au signal, ils doivent sauter sur leur cheval, galoper vers des baquets pleins d’eau où surnagent des pains de guerre qu’il faut prendre avec les dents avant de retourner au départ. Les hommes prennent plaisir à amuser la galerie en galopant à fond et en se disputant ces sortes de biscuits légers. Messieurs Gay et Corre sont les meilleurs à ce petit jeu.

La cinquième course, la mal-nommée course aux blessés, avec obstacles est réservée aux brigadiers du régiment. Les concurrents étant nombreux, on prévoit trois séries à l’issue desquelles les trois vainqueurs disputeront la belle. L’objectif est de se saisir de deux sacs de foin difficiles à attraper et très encombrants à transporter sur son cheval. Tout se déroule dans la bonne humeur jusqu’au moment de la belle où le brigadier Court, désarçonné par un obstacle, tombe sur le dos. Il est déjà prêt à se relever quand l’un des sabots du cheval de Decombat, son meilleur ami, le frappe à la tempe droite et le laisse inconscient. Le médecin-major Bargy accourt auprès de lui et fait appeler aussitôt l’ambulance pendant qu’un prêtre donne l’absolution au blessé.

L’atmosphère est devenue presque glaciale malgré la température estivale, mais le spectacle doit continuer et la fanfare joue de plus belle. Compte tenu des circonstances, le gagnant de la course aux blessés, le brigadier Morey, ne savoure pas sa victoire. La sixième épreuve, un cross-country de 5 000 mètres pour officiers montant des chevaux d’armes ou de troupe, est maintenue. Six lieutenants sont inscrits. Guy de Montmarin (futur général de corps d’armée) se classe premier, M. Généraud deuxième et M. de Chabot troisième.

On aura des nouvelles du brigadier Court le lendemain après-midi. Une trépanation réalisée par les médecins-majors Rossignot et Bargy a permis de limiter les dégâts. Le brigadier a repris connaissance et arrive à parler. Natif de Haute-Loire, il est sorti premier du cours des élèves brigadiers. Sur le point d’être libéré de ses obligations militaires, son échappée aurait pu être tout autre et définitive.

 

Louis Delallier

 

1 - Le bâtiment principal et les ailes latérales ne seront achevés qu’en 1788. Il faudra encore près d’un siècle pour voir sortir de terre des écuries surélevées de chambres de soldats, un corps de garde, deux pavillons pour les officiers, des séchoirs, des manèges, etc. Après un déclin entamé pendant la première Guerre, Le quartier Villars est désaffecté en juin 1981. Les gendarmes sont relogés au quartier Taguin, route de Paris où leur caserne se trouve encore.

2 - Coco Chanel a fréquenté les officiers du 10ème chasseurs qui se retrouvaient au Grand Café place d’Allier ou à la Rotonde au jardin de la gare, café-concert où elle se produisait.

3 - Je n’ai pas trouvé ce qu’étaient ces « têtes de nègres »

4 - Sans doute Étienne Balsan qui rencontre à Moulins Gabrielle Chanel dont il devient l’amant puis l’ami qui l’aidera à s’installer à Paris.

 

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