Plus de 160 ans après sa construction, le pont de fer s’achemine vers une transformation en voie piétonne et cycliste agrémentée d’une vue large et agréable sur la ville. Nos prédécesseurs moulinois qui empruntaient le « pont noir », en guise de raccourci entre le centre ville et la Madeleine, malgré le passage des trains et les interdictions répétées des autorités locales, n’auraient pas imaginé une telle évolution.
Le chemin de fer est arrivé à Moulins en 1853. Il lui faut alors absolument franchir l’Allier pour desservir l’ouest du département.
Après un premier projet de pont-viaduc sur l’Allier, rejeté par les Ponts et Chaussées en 1856, la compagnie de chemin fer du PO (Paris-Orléans), concessionnaire de la ligne Moulins-Montluçon, soumet l’idée d’un pont métallique qui est acceptée. Les ingénieurs Basile Parent et Pierre Schaken, ses concepteurs, ont tenu compte de principes liés au contexte fluvial mis en évidence par Louis de Régemortes lors de la construction de son pont de pierre tout proche. Le pont de fer moulinois est l’œuvre de l’entreprise Jean-François Cail de Paris* qui l’édifie de 1857 à 1858. Long de 316,5 m (337,50 mètres avec l’épaisseur des piles et des culées), il enjambe l’Allier à la hauteur de la rue de la Font-Vinée.
Il est constitué de huit paires de piles tubulaires en fonte, de deux mètres de diamètre, reliées par des entretoises disposées en croix de Saint-André. Son innovation réside dans son « ingénieux et expéditif » système de fonçage par air comprimé utilisé pour la première fois en France. Pour reposer sur la couche solide de marne, les tubes qui forment chaque pile par emboitage sont « foncés » à l’aide d’air comprimé injecté dans le tube qui se soulève. L’évacuation de l’air fait redescendre le lourd tube avec un effet de pilonnage. Les piles sont ensuite remplies de béton avant de recevoir deux poutres massives.
Le pont du chemin de fer est inauguré le 7 novembre 1859 en même temps que la ligne Moulins-Montluçon. La Compagnie d’Orléans décide de ne rien dépenser à cette occasion pour verser la somme économisée aux indigents des communes traversées par la voie ferrée.
A l’origine, deux lignes ferroviaires empruntent le pont de fer : Moulins-Commentry-Montluçon et Moulins-Cosne-d’Allier. Cette deuxième ligne est une voie départementale métrique du réseau secondaire, autrement dite « du tacot », dont les rails sont posés entre ceux de la voie principale. Elle est fermée depuis 1951. A partir de 1969, le trafic voyageurs entre Montluçon et Moulins se fait par cars. Puis, c’est au tour des voyageurs pour Commentry de prendre la route à partir de la mi-octobre 1972. Les marchandises sont encore acheminées par rail. Lorsque la mine de Buxières arrête son activité, on ne conserve qu’un trajet ferroviaire entre Souvigny et Moulins pour le transport des pierres de la carrière de Meillet, ceci jusqu’en 2014 (malgré des travaux de réfection des rails cette même année). Depuis cette date, plus aucun train, plus de klaxon strident. La ligne est définitivement rayée de la carte ferroviaire.
Louis Delallier
*Jean-François Cail (1804-1871) est entrepreneur et constructeur mécanicien. La maison Cail est installée à Chaillot dans le 16e arrondissement de Paris. Elle construit des locomotives à partir de 1844 dont les locomotives de vitesse Crampton (conçues par l’ingénieur anglais Thomas Russell Crampton) roulant à 120 km/h, dès 1862, plus tard surnommées les TGV du XIXe siècle. Elle travaille aussi dans la construction métallique. On lui doit le viaduc des Fades au-dessus de la Sioule dans le Puy-de-Dôme et les viaducs du Belon et de la Bouble. Le nom de Jean-François Cail est inscrit sur la tour Eiffel.