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Le grenier de mon Moulins

Histoire de Moulins (Allier) et anecdotes anciennes

Août 1890, une tour Eiffel à Moulins

Publié le 1 Août 2020 par Louisdelallier in Fêtes

En marge du concours musical des 9 et 10 août 1890 qui regroupe pas moins de soixante-dix sociétés, soit plus de deux mille musiciens, Moulins met les petits plats dans les grands pour divertir les amateurs et non amateurs de fanfares.

Les arcs-de-triomphe poussent comme des champignons. Le premier est placé au débarcadère de la gare et affiche «  A nos hôtes, salut ! », tout en préservant la fierté des recalés quand ils repartiront, car figure au dos « Gloria victis ! ».

La rue de Bourgogne met l’accent sur l’« Union des accords, union des cœurs ! ». Rue de Wagram, une banderole prévient les musiciens « Attention aux dièses et aux bémols !!! ». Rue d’Allier, on annonce « Par la musique toutes les nations sont sœurs ! ». À l’entrée de la rue Régemortes, on a donné dans la simplicité avec un retentissant « Zim ! Boum ! Vive la musique ».

« L’avenir est à la musique » pour l’arc-de-triomphe de la place d’Allier. Partout des mâts tricolores dressés par le petit génie*, des guirlandes, de la verdure, des fleurs artificielles de toutes les couleurs.

Sur la place aux Foires (actuelle place Jean-Moulin), enfants et adultes trouvent leur compte d’amusement et de surprises :

deux manèges de chevaux de bois (un de vélocipèdes, un de chemin de fer), le cirque brésilien** de monsieur Labrousse, l’hercule du Limousin, admiré à Londres, Hambourg, Vienne, Amsterdam et à l’hippodrome de Paris où il a donné 150 représentations. Sur le cours Choisy (cours Jean-Jaurès), le musée méridional et trois parquets de danse attendent leur public. Place de l’évêché (derrière le tribunal d’instance), deux manèges de chevaux de bois tournent inlassablement. Les marchands de bonbons ont monté leurs baraques près du théâtre. Il est aussi possible de se procurer des photographies réalisées avec des plaques instantanées.

Mais la palme de l’inventivité peut être attribuée aux commerçants de la place de la Paume (intersection des rues du Cerf-Volant, de Bourgogne et du Jeu-de-Paume). Le 29 juillet, ils se mettent d‘accord pour y édifier une tour Eiffel en bois de 26 mètres de haut avec la collaboration de messieurs Virollet pour les plans et Clément pour la réalisation. Une première plate-forme à 8 mètres laissera assez de place à la circulation des voitures en dessous.

Monsieur Clément s’étant rétracté, on s’adresse à Charles Loizel, brasseur à la Madeleine, qui possède une tour en fer de vingt-et-un mètres. Une fois l’accord de prêt obtenu, il ne faut plus perdre de temps. Les frères Bouchard, entrepreneurs, Ballard serrurier, Lafond, maître charpentier se mettent au travail bénévolement sous la direction de monsieur Virollet et achèvent le montage le 6 août au soir. Les curieux admiratifs ou critiques n’ont pas manqué. Les commentaires vont bon train. Les spécialistes, les vrais !, assurent que la fragilité des piliers n’est qu’apparente. Adolphe Lepetit, horloger moulinois, place un cadran sur l’un des côtés de la tour pour sonner les heures, les quarts et les demies.

La première plate-forme et son bar sont accessibles contre 0,50 franc. Un embrasement aura lieu le samedi et le dimanche à la tombée de la nuit.

L’inauguration de la  tour, savamment décorée et pavoisée, est programmée le samedi 9 août à 20h avec la participation de l’Orphéon Cornud-Vanier. Le jour dit, à 21 heures, l’attente s’éternise. Mais personne ne s’ennuie car des incidents occupent les spectateurs. A commencer par l’explosion d’un pétard sous les jupes d’une vieille femme assise sur la bordure du trottoir. Elle en aurait presque perdu connaissance de peur, ce qui n’empêche pas la foule de rire de bon cœur. Puis, le drapeau du sommet tout entier flambe au contact d’une lampe vénitienne. Qu’à cela ne tienne ! La marchande de calicots du coin aura bien du tissu pour en coudre un autre sans tarder. Enfin, les musiciens arrivent. Grimpés sur la plate-forme, ils entonnent « O Patrie ! » sous des applaudissements nourris, applaudissements répétés et augmentés au moment de l’embrasement du feu de Bengale tout en haut de la spectaculaire tour.

 

Louis Delallier

*La ville de Moulins a mis en place un service dirigé par monsieur Gannat, architecte-voyer municipal. Il s’agit d’ateliers communaux de charité, d’assistance par le travail destinés à venir en aide à ceux que la mauvaise saison oblige à un chômage souvent durable. Une délibération du conseil départemental du Puy-de-Dôme de 1893 mentionne, comme une référence, le « petit génie » moulinois qui permet de lutter contre le vagabondage et la mendicité en employant à nettoyer la ville tout vagabond qui se présente.

**Le cirque présente des chevaux corses montés par des singes dont Lore dressé en liberté, un savant mathématicien, le tombeau des hommes forts, des exercices de force exécutés par monsieur Labrousse évidemment, Johnson le cheval américain, de la magie blanche, des tours de prestidigitation par madame Gosselet,  le voyage de monsieur et madame Denis en Amérique ainsi qu’une grande pantomime où se produit toute la troupe.

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