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Le grenier de mon Moulins

Histoire de Moulins (Allier) et anecdotes anciennes

1933, le doyen des potiers français est yzeurien

Publié le 28 Mars 2021 par Louisdelallier

Rue des Potiers à Moulins (Photo Louis Delallier)

Rue des Potiers à Moulins (Photo Louis Delallier)

A la fin de l’année 1933, le doyen des potiers encore en exercice n’est pas Michel Michault, 80 ans, de Lezoux contrairement à ce qu’on revendiquait là-bas. Le Courrier de l’Allier révèle qu’il est yzeurien, a 85 ans et se nomme Pierre Bouchon.

Sa petite enfance est marquée par la mort de son père, vigneron, en juin 1850. Il n’a pas deux ans. Antoinette, la maman, quitte les Petits Carrons à Neuvy avec ses quatre enfants : Suzanne, Pierre, Pierre et Pierre… pour s’installer à Moulins. Elle doit affronter des difficultés financières quotidiennes pour les élever correctement. Tous reçoivent une bonne instruction dans une des écoles libres de la ville jusqu’au placement des garçons à la poterie Clairfond à la Madeleine. Le Pierre qui nous intéresse, et qui est le plus jeune, y bat la terre pour les tourneurs et apprend à utiliser le tour à chaque fois qu’il le peut, ce qui s’appelle « voler le métier ». Il devient tourneur comme un autre de ses frères. Le troisième choisit de se former au métier d’enfourneur.

Quand éclate la guerre de 1870, Pierre, rentré de l’armée depuis trois mois, est rappelé et, cette fois, pour se battre. Son régiment, le 11e d’artillerie, participe aux combats de Sedan, Coulommiers avec le corps mené par le général Chanzy, et aux combats d’Orléans avec l’armée de la Loire. La variole noire le rattrape à Niort. Il en réchappe pour être envoyé en Afrique où il termine son service militaire comme maréchal des logis.   

Son retour en France ne se fait qu’en 1876. Il retrouve son métier de potier à Molinet où il épouse Mélanie Ferrière en novembre de la même année. Les jeunes époux déménagent à Moulins car Pierre a obtenu un poste de contremaître dans la poterie où il a fait son apprentissage.

En 1881, il utilise quelques économies augmentées d’un prêt pour acheter, à Yzeure, une parcelle de terre où on cultivait de l’avoine à deux pas de la gare de Moulins et y bâtit son atelier. Il s’associe avec Léon Lecrenier, ancien contremaître aux poteries Lagoutte à la Madeleine. L’effectif de la poterie est de 40 à 50 ouvriers, ce qui en fait une fabrique d’une importance certaine. Les affaires marchent bien même si la jalousie suscitée et les aléas du commerce sont autant d’embûches auxquelles s’ajoute un accident de chasse en 1882 au bras pour Pierre Bouchon qui aurait pu compromettre son activité.

Son fils Joseph prend la succession en 1913, toujours en collaboration avec Léon Lecrenier. Vingt-deux ans après, la relève est assurée par Henri, 26 ans, et Louis, 22 ans, les fils de Joseph qui, tous les deux, ont appris le métier de tourneur. Avant sa mort en octobre 1934, Pierre Bouchon aura donc eu le bonheur de suivre la transmission de son entreprise de génération en génération.

Dans le quartier des Bataillots, ont existé d’autres ateliers de potiers tels Nicolas et Breton. La poterie Bouchon est la seule à avoir traversé le 20e siècle jusque dans les années 80. Elle était installée rue Bernard-Palissy, juste de l’autre côté de la voie ferrée qui trace la limite entre Moulins et Yzeure et extrayait elle-même sa terre d’une carrière de Toulon-sur-Allier. Jusqu’à ces dernières années, on pouvait encore voir un coq en terre cuite juché sur le mur à l’angle avec la rue Denis-Papin.

A Moulins, la rue des Potiers rappelle l’importance de cette industrie disparue avant la fin du 19e siècle. Parmi les potiers moulinois, figurent Germillon, Meunier, Blaizot et Guichard (producteur de statues de Saint-Denis), Victor Landet, Boulot et Massieu. Un Saint-Denis sorti des mains de Jean Meunier est toujours abrité dans sa niche d’une maison de la rue des Potiers. Une tête de turco* au faite d’un chien assis est visible juste derrière.

 

Louis Delallier

 

* Surnom, dérivé du mot Turc, donné aux tirailleurs africains au cours de la guerre de Crimée (1853-1856), leur ardeur au combat étant digne de celle des Turcs de l’Empire ottoman.

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J
Je n'ai jamais remarqué cette tête de Turco ! Je me souviens bien de cet atelier rue Bernard Palissy, avec sa cheminée ventrue.
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