Les médecins militaires ne savent plus où donner de la tête. Il a fallu appeler des renforts en infirmières et infirmiers. En effet, le 3 août 1897, 99 soldats des 10e régiment de chasseurs et 13e escadron du train des équipages, tous atteints de troubles gastriques ou de fièvre typhoïdique, ont été admis à l’hôpital Saint-Joseph. Le 5 au matin, ils sont presque 200 à occuper des lits dans les infirmeries du quartier Villars ou à Saint-Joseph saturé. Toutes les salles réservées aux militaires sont complètes. Un hôpital provisoire a été ouvert dans les jardins et une vingtaine de malades du train des équipages en voie de rétablissement a dû prématurément partir.
Tout est allé très vite. Il faut sans attendre parer au plus pressé, c’est-à-dire freiner la contagion. Le samedi 7, le général Jacquemin, commandant en chef du 13e corps d’armée, après un entretien avec les médecins de la garnison, décide d’évacuer le quartier Villars. Le plateau de Vallières, à 1,5 km, sur la commune de Neuvy est adopté comme lieu de repli. Il est pourvu en tentes et matériel indispensable au campement de 800 hommes dès le lundi suivant. En même temps, les 150 réservistes, arrivés la semaine précédente pour une période de 28 jours au 13e escadron du train, sont renvoyés chez eux. Les tirs annuels d’entraînement à Saint-Étienne sont annulés pour le 10e chasseurs.
Le 11 au matin, M. Debausseaux, inspecteur général du service de santé, descendu à l’hôtel de Paris, contrôle dans l’après-midi l’hôpital et la caserne dont il demande la désinfection tandis que le 10e régiment du 10e chasseurs et le 13e escadron du train prennent le chemin de Vallières. Le soir, un terrible ouragan s’abat sur une partie du département. Vallières n’est pas épargné. Le vent emporte la cantine et quelques tentes.
Côté diagnostic, on s’accorde pour parler de typhoïde compte-tenu des symptômes, même s’il est aussi question de grippe. Les soins consistent en diète et repos. Le nouveau lieutenant-colonel au 10e chasseurs, Raoul de Maucroix, est confronté à cette situation problématique dès sa prise de fonction.
Heureusement, fin août, l’épidémie régresse régulièrement et le rapatriement des troupes est envisagé par suite du constat effectué au camp de Vallières par le médecin principal, directeur du service de santé du 13e corps. Le 13e escadron du train lève le camp le samedi 28 après-midi suivi par le 10e chasseurs le lundi, à regret car les soldats avaient apprécié cette cure de plein air. En raison des pluies continuelles des derniers jours, les tentes sont laissées sur place sous surveillance policière pour séchage.
Le 1er septembre, les 2e et 4e escadrons du 10e régiment de chasseurs peuvent prendre le chemin de terrains en limite de l’Allier et du Puy-de-Dôme pour des manœuvres. Le 10, l’épidémie ayant disparu, le matériel de campement est retourné aux magasins régionaux de Clermont-Ferrand.
Afin de ne pas revivre de telles difficultés et inquiétudes, le général commandant ordonne l’inspection de la canalisation conduisant l’eau au quartier Villars pour s’assurer qu’il n’y a pas de communication entre elles et le puits de Bardon dont l’analyse des eaux aurait révélé leur impureté. Des journaux nationaux comme le Grand écho du Nord de la France parlent, eux, de la contamination de plusieurs puits d’alimentation du quartier Villars. Par prudence, le général commandant interdit aux militaires de fréquenter les débits de boissons et autres auberges des « bas-quartiers » à cause de la mauvaise qualité de l’eau qui les alimentent. La troupe continuera à boire de l’eau aromatisée avec du thé.
L’hypothèse de la dangerosité de l’eau est contestée par un article paru dans le Courrier de l’Allier du 11 septembre. Il s’agit en premier lieu de rassurer les habitants sur la qualité de l’eau qu’ils consomment en rappelant que les eaux potables de Bardon sont utilisées depuis plus de deux siècles sans problème dans le bas-Allier, en très petite quantité, et mélangées à l’eau de la rivière. Et ce n’est pas là que l’épidémie s’est propagée. Le quartier Villars n’est approvisionné que par l’eau de l’Allier, très pure et consommable affirme-t-on. En deuxième lieu, le journaliste, qui a dû recevoir des recommandations de la municipalité, préconise une révision des canalisations et des puits de la caserne où des infiltrations provenant des fosses d’aisance ont pu contaminer l’eau. L’autorité militaire se voit ainsi remonter les bretelles au sujet de son inertie à traiter des problèmes techniques récurrents et aux graves conséquences.
Cet épisode sanitaire aura fait une victime, Jean-Jules Barlet, 23 ans, originaire de Saint-Babet dans le Puy-de-Dôme, mort le 30 août au matin de la fièvre typhoïde à l’hôpital Saint-Joseph.
D’autres poussées épidémiques se sont déjà produites notamment en août 1894 et en octobre 1895 avec les mêmes causes déjà et les mêmes effets.
Louis Delallier