Dur métier que celui des cheminots occupés à charger, répartir et mettre en route près de 3 000 wagons chaque jour de l’hiver 1924/1925. Les manœuvres sont réglées comme du papier à musique car rien ne doit enrayer leur déroulement au risque d’entraîner des perturbations en chaîne. De plus, les wagons sont des mastodontes représentant un danger permanent. On s’étonne même que les accidents ne soient pas plus nombreux.
En juin 1925, le chef de gare principal de Moulins, monsieur Tourret, encadre un sous-chef de gare principal, monsieur Guéritaine, sept sous-chefs et 4 250 agents titulaires ou auxiliaires à qui revient d’organiser le transit quotidien de 2 700 wagons.
C’est alors qu’est mis en fonctionnement le « dispatching-system », évolution technologique d’origine américaine qui facilite l’écoulement des trains sur chaque ligne* et assure un débit maximum avec des dépenses d’exploitation moindres. Ce système complexe est basé sur un réseau téléphonique dirigé par un seul « dispatcher ». La gare de Moulins dépend de celui installé à l’inspection générale de Nevers. Il regroupe toutes les informations relatives à la circulation des trains sur les lignes Montargis-Nevers Moulins-Paray-le-Monial, soit environ 80 gares avec lesquelles il garde une relation permanente par téléphone. Tous les incidents de route et l’état de la circulation remontent à lui en temps réel. Le dispatcher doit avoir une connaissance préalable précise et étendue du réseau ferroviaire et du trafic. Il s’appuie sur des graphiques représentant les différents trains, les lieux de passage et les horaires.
Auparavant, des trains de marchandises pouvaient être retenus en gare parce que le personnel ne connaissait pas la position des trains circulant et retardait les manœuvres, quand c’était possible, pour éviter les accidents.
Un exemple pratique avec le train de messageries 4 917 ordinairement stoppé et garé à Moulins pour laisser passer le rapide Paris-Vichy qui le suit. Si le chef de gare est tenu au courant d’un retard du rapide, il n’est plus obligé de retenir le 4 917 qui a le temps de poursuivre son chemin. Les appels sont toujours brefs et concis : « Cosne** poste ? Donnez des nouvelles du 1018. Il est passé à l’heure ». De plus, le dispatcher fournit l’heure officielle aux gares de son circuit, en même temps, chaque matin entre 6 et 7 heures. Un circuit téléphonique de secours peut être activé en cas de panne.
Les compagnies françaises ne sont pas les seules en Europe à adopter le dispatching-system. Ses aspects techniques et son bien-fondé sont traités et débattus au cours du congrès de l’association internationale des chemins de fer qui s’est tenu à Londres du 22 juin au 1er juillet 1925.
Louis Delallier
*D’abord sur le P.O. (Paris-Orléans), puis le P.L.M. (Paris-Lyon-Méditerranée)
** sur Loire.